Lefteris Arapakis est issu d'une longue lignée de pêcheurs. Depuis cinq générations, sa famille sillonne les eaux du sud de la Grèce, pêchant au filet les mêmes cabillauds et roussettes qui font vivre les Grecs depuis des millénaires.
Mais ces dernières années, la surpêche et la pollution, en particulier les rejets de plastique, ont frappé de plein fouet les pêcheries grecques, les captures en Méditerranée ont enregistré une baisse de 34 % au cours des 50 dernières années.
En mer, Lefteris Arapakis, 26 ans, s’est rendu compte que de nombreux bateaux autour de sa ville natale du Pirée faisaient remonter des filets remplis d'ordures, au lieu de poissons. Ces prises accessoires de plastique étaient ensuite simplement remises à l'eau.
« Je m'inquiétais de plus en plus de la rareté du poisson et de l'augmentation du plastique », explique Lefteris Arapakis, qui a suivi une formation d'économiste. « J'étais profondément inquiet que mon père, et maintenant mes frères, ne puissent plus vivre de ce travail, qui est ce qu'ils ont appris à faire et ce qu'ils aiment faire ».
Avec les pêcheurs
Cette révélation a conduit Lefteris Arapakis à fonder la première école de pêche professionnelle de Grèce, Enaleia (du grec "avec les pêcheurs"), en 2016. Son mandat sera double. Enseigner aux pêcheurs à exercer leur métier de manière plus écologique, et s'assurer du soutien de la communauté des marins qui parcourent la Méditerranée à la recherche de plastique jeté. Depuis son lancement, Enaleia a ramassé plus de 80 tonnes de plastique dans la mer.
« Nous enseignons aux étudiants non seulement comment pêcher, mais aussi comment pêcher pour que le poisson puisse survivre demain », affirme M. Arapakis.
Lefteris Arapakis a récemment été nommé Jeune Champion de la Terre en Europe par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Ce prix offre un financement de démarrage et un mentorat à des environnementalistes prometteurs.
« Les plastiques à usage unique mis en décharge ou jetés dans l’environnement sont notoirement omniprésents et ont des conséquences environnementales et socio-économiques négatifs et de grande portée, y compris sur la santé humaine », affirme Gaetano Leone, coordinateur du Plan d'action pour la Méditerranée du PNUE au Secrétariat de la Convention de Barcelone. « Le travail édifiant que Lefteris Arapakis effectue avec Enaleia démontre que les initiatives individuelles et locales animées par une passion et des priorités communes sont cruciales pour compléter les actions entreprises au niveau régional ».
Nettoyage de la Méditerranée
Environ 13 millions de tonnes de plastique pénètrent dans les océans chaque année, ce qui équivaut à y déverser un camion benne chaque minute. On estime qu'il pourrait y avoir plus de plastique que de poissons dans la mer d'ici 2050.
Pour s'attaquer au problème de la pollution de la mer Méditerranée, Lefteris Arapakis et son équipe d'Enaleia ont lancé le projet « Mediterranean Cleanup ». Ils travaillent maintenant avec 700 personnes sur 145 bateaux en provenance de Grèce et d'Italie, et offrent une récompense monétaire pour le plastique rapporté sur la terre ferme. Cela permet de retirer environ 12 tonnes de plastique de la mer chaque mois.
Au départ, Lefteris Arapakis et son équipe stockaient le plastique dans les installations de recyclage du port, mais l'augmentation des volumes les a motivés à créer un partenariat novateur avec Healthy Seas, une organisation basée aux Pays-Bas qui recycle les filets de pêche (la « prise » la plus courante) en tapis, chaussettes, masques et autres produits de consommation.
Retirer le plastique
Enaleia opère désormais dans 12 ports grecs ainsi qu'à Rimini en Italie.
Lefteris Arapakis, diplômé en économie et en gestion de l'université d'Athènes, affirme que la pollution plastique dans les zones de pêche du golfe d'Argosaronikos « a été considérablement réduite ». « Les pêcheurs sauvent les mers du plastique », ajoute-t-il.
La propagation du COVID-19 a porté un coup temporaire à Enaleia au début de l'année. Lors du premier confinement en Grèce en mars et avril, beaucoup de leurs contrats de parrainage ont été annulés. Cependant, Enaleia s'est adaptée à la pandémie et a réussi à augmenter la quantité de plastique ramassée dans la mer. Une fois la pandémie passée, Lefteris Arapakis prévoit d'étendre le travail d'Enaleia à d'autres pays côtiers.
« Nous voulons donner à chaque pêcheur les moyens de prélever des déchets plastiques, de les ramener au port et de les recycler. Cela présenterait des bénéfices énormes sur le plan mondial ».
Alors que la marée de plastique marin continue de croître, Lefteris Arapakis est optimiste quant à l’avenir.
« Je crois que notre génération est tout à fait consciente de la pollution par les plastiques et des autres défis environnementaux. Une prise de conscience qui, je pense, n'a pas existé à une telle échelle depuis des décennies ».
Les prix « Champions de la Terre » et « Jeunes Champions de la Terre » du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) rendent hommage aux personnes, groupes et organisations dont les actions ont des effets transformateurs sur l'environnement.
Le prix « Jeunes Champions de la Terre » est la principale initiative du Programme des Nations unies pour l'environnement visant à inciter les jeunes à s'attaquer aux problèmes environnementaux les plus pressants dans le monde. Lefteris Arapakis est l'un des sept lauréats nommés en décembre 2020, à l'aube de la Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030.
En mettant en lumière des récits sur le travail important réalisé sur le front de l'environnement, ces prix visent à encourager et à motiver davantage de personnes à agir pour la nature. Ces prix s'inscrivent dans le cadre de la campagne #PourLaNature du PNUE, qui vise à donner une impulsion à la Conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP 15) qui se tiendra à Kunming en mai 2021, et à catalyser l'action en faveur du climat jusqu'à la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP26) qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021.