Les femmes n'avaient pas le droit de prendre part à des expéditions cartographique avant les années 1960, on pensait qu'elles porteraient la malchance. Les religieuses espagnoles ont commencé à établir des cartes au 10ème siècle.
Le premier plan complet de Londres a été établi après qu’une femme se soit égarée au retour d’une fête. Elle s’est ensuite réveillé tous les jours à 5 heures du matin afin de cartographier les 23 000 rues de la ville.
En fait, les femmes ont toujours contribué à l’établissement de cartes malgré les obstacles.
Cela met Molly Burhans, fondatrice de GoodLands, en bonne compagnie. Pour la première fois de son histoire, elle a proposé de cartographier numériquement les avoirs fonciers de l’un des plus grands propriétaires terriens du monde, l’Église catholique.
Le voyage a été spirituel. Au lieu de devenir religieuse, elle a décidé de se lancer dans la cartographie numérique. « Notre travail est fondé sur la science, inspiré par le design et par des valeurs d'intendance et de charité », explique-t-elle.
Terrain inconnu
Tout a commencé lors d’un cours d'illustration biologique : Molly a été fascinée par la façon dont tout avait un sens.
« On ne peut pas opérer si on n’a pas étudié l’anatomie humaine. On ne peut pas vraiment produire de bons travaux sur l’environnement si on n’a pas cartographié l’environnement et les paysages et qu’on ne peut pas les visualiser », explique-t-elle.
Elle a été initiée à la cartographie numérique par Dana Tomlin, initiatrice ou professeur d'algèbre des cartes et de systèmes d'information géographique à l'Université de Pennsylvanie et à l'Université de Yale. Lorsqu’elle a visité le Vatican en 2016, cela l’a fait réfléchir.
« Le Vatican possède les cartes les plus fantastiques que j'ai jamais vues », déclare-t-elle. « Des fresques blanches, dorées et platines encadrent les portes. Je pensais qu’ils devaient disposer d’ensembles de données sur les terres les plus incroyables au monde. »
Le Vatican est le plus petit État du monde, mais le plus grand propriétaire foncier. Il existe 250 000 paroisses, orphelinats, centres communautaires et monastères de retraite affiliés à des catholiques dans le monde entier, qui touchent environ 57,6 millions de personnes dans le monde.
C’est également le plus grand fournisseur de soins de santé non gouvernemental au monde. Le Conseil pontifical pour la pastorale des personnels de santé estime qu'environ 26% des établissements de santé sont gérés par l'Église catholique romaine.
Iyad Abumoghli, coordinateur principal de l’Initiative Faith For Earth du Programme des Nations Unies pour l’environnement, affirme :
« À l'échelle mondiale, les organisations confessionnelles possèdent 8% des terres habitables à la surface de la Terre et 5% de toutes les forêts commerciales. Il y a environ 37 millions d'églises et 3,6 millions de mosquées dans le monde. »
« Les travaux de Molly Burhans soutiennent l’initiative Faith for Earth du PNUE, qui vise à exploiter le pouvoir socio-économique des organisations confessionnelles, là où la prédication rencontre la pratique. »
« La cartographie des actifs appartenant à des croyants contribuera à l'utilisation stratégique des valeurs confessionnelles dans leur gestion, ce qui conduira à lutter contre le changement climatique et à freiner la dégradation des écosystèmes. »
La peur de l’inconnu
Molly Burhans déclare : « Pourquoi ne pas exploiter ce réseau pour le bien de l’environnement ? »
Mais ensuite, un obstace s’est présenté. Les données n'étaient pas numériques. En fait, il n’y avait même pas de données.
« Aucune des terres n'avait été numérisée. J'étais surprise, c'était encore plus obsolète que ce que j'avais imaginé. Nous ne pouvons pas gérer une propriété sans données fondamentales, sans parler de la restauration de l'écosystème. Alors, j'ai continué à rechercher des données. »
Quand elle a pu confirmer que les données n’existaient pas, Molly Burhans a demandé au Saint-Siège l’autorisation de créer la première carte globale et complète de données numériques de l’empreinte de l’Église catholique et de ses personnages historiques, en travaillant avec une grande équipe de la société de logiciels de cartographie Esri, en tant que cartographe en chef.
Sa mission : aider les communautés confessionnelles, telles que les ordres religieux, les diocèses et le Vatican, à comprendre d'abord quels sont les biens fonciers qu'elles possèdent. Ensuite, déterminer comment exploiter ces atouts pour la restauration des écosystèmes à une échelle parallèle à son immense réseau de santé mondial.
Le pouvoir de savoir
Pour Burhans, les cartes représentent le pouvoir de façonner notre monde pour une meilleure protection de la santé et de l'environnement. « Nous osons utiliser les terres pour le bien de l'environnement. Je ne peux pas souligner à quel point notre environnement est important », souligne-t-elle.
« Les cartes ne sont qu'un outil nous permettant de capturer des informations complexes, de la biodiversité au type de sol, au même endroit. Si une image vaut mille mots, alors une carte en vaut un million. »
« Nous pouvons cartographier les cas d'échecs écologiques pouvant déclencher une migration importante. Ou alors, l'élévation du niveau de la mer qui pourrait forcer les communautés pauvres à se déplacer. Nous pouvons voir où davantage d’arbres pourraient refroidir les villes chaudes; où les espaces verts pourraient avoir des effets bénéfiques sur la santé dans les zones où les problèmes respiratoires sont importants ».
Pour Molly Burhans, le potentiel d’un grand centre de données capturant toutes ces informations sur le portefeuille foncier de l’église est excitant - et sans précédent. Cela a également des implications pour tous les propriétaires fonciers et les gouvernements du monde entier.
Son équipe cartographie les facteurs environnementaux, sociaux et financiers d'un portefeuille immobilier. Centraliser l'information dans un seul et même pôle numérique dans tous les secteurs (soins de santé, éducation, secours) pourrait économiser des dizaines de millions de dollars chaque année, affirme-t-elle.
Elle pose également des questions plus profondes : « Comment l'intelligence artificielle transformera-t-elle notre monde? Comment pouvons-nous tirer parti de la terre et de la religion pour devenir la solution à nos crises? Nous devons être à l'avant-garde de ces questions. »
Cartographier l'empreinte globale de l'Église
Affiner les mégadonnées pour la restauration de l’environnement fait partie de l’ambition de Molly Burhans. Certaines de ces choses sont techniques : amener l'Église catholique à la transition vers le domaine numérique : « Avec pertinence, avec la bonne information pour assurer la sécurité. »
Mais son ambition concerne aussi le bien-être des personnes. « Nous voulons aider les gens à comprendre que la cartographie des ressources est essentielle pour les gérer de manière responsable. Nous ne pouvons pas aider l’église à améliorer son empreinte si nous ne savons pas ce qu’il a. »
« Nous avons tous des talents et des dons différents. Les miens tendent vers la création de nouvelles technologies et à leur application pour que les terres agissent pour le bien de tous. C’est ma vocation : faire en sorte que cela soit fait et avec intégrité. »
Le prix Jeunes champions de la Terre, rendu possible grâce à Covestro, est la principale initiative du Programme des Nations Unies pour l'environnement pour encourager les jeunes à relever les défis environnementaux les plus pressants au monde. Molly Burhans est l'une des sept lauréats annoncés cette année ! Restez à l'écoute pour postuler en janvier.