Le minuscule état du Sikkim situé dans l'Himalaya au nord-est de l'Inde a mené une révolution verte unique en son genre. En dépit d'être petit et isolé et de sa population vivant dans un terrain montagneux extrêmement rude, l'état du Sikkim a émergé en tant qu'un des chefs de file de l'Inde en matière d'environnement.
Le Sikkim, devenu en 1998 le premier État indien à interdire les sacs en plastique jetables, est également l'un des premiers à cibler les bouteilles en plastique à usage unique. En 2016, Sikkim a pris deux décisions majeures. Premièrement, l'utilisation de l'eau potable emballée a été interdite dans les bureaux et les événements gouvernementaux. Deuxièmement, l'utilisation d'assiettes et de couverts jetables en polystyrène a été interdite dans l'ensemble de l'État afin de réduire la pollution par les plastiques toxiques et de s'attaquer au problème croissant de déchets.
Le gouvernement de l'État a pris ces initiatives draconiennes au motif que les produits jetables en vogue dans les zones rurales et urbaines étaient dangereux pour l'environnement, généraient une énorme quantité de déchets municipaux et exigeaient beaucoup d'espace dans les décharges. Au sujet des bouteilles d'eau en plastique, le gouvernement était d'avis que l'utilisation généralisée de l'eau potable conditionnée dans les réunions et les fonctions du Ministère ajoutait un fardeau inutile aux décharges, leur utilisation a ainsi été interdite lors des fonctions officielles.
Le Sikkim est une petite zone riche en biodiversité et dispose donc un espace limité pour les décharges. La superficie habitable de l'état est utilisée au maximum et opter pour de nouveaux sites d'enfouissement n'est ni une option facile ni acceptable, car cela signifierait prendre possession de terres forestières abritant des espèces sauvages en péril.
On estime qu'avec la croissance de la population et la montée du consumérisme, la consommation mondiale de bouteilles en plastique augmentera d'un demi-billion à l'horizon 2021. Des études ont également suggéré que certains composés dans les plastiques pourraient poser une menace à la santé humaine.
Accompagné de campagnes de sensibilisation massives et imposant des sanctions importantes, l'interdiction a eu un véritable impact. Les habitants de Sikkim optent maintenant pour des assiettes en papier, en feuilles, en bagasse et même en noix d'arec. Les bureaux du gouvernement ont opté pour des alternatives comme l'eau filtrée, les grands distributeurs d'eau réutilisables et les bouteilles d'eau réutilisables pour les réunions et les événements spéciaux.
Cependant, le nombre de touristes visitant Sikkim étant conséquent, il est difficile de contrôler l'utilisation de bouteilles d'eau en plastique. Le gouvernement envisage d'interdire les bouteilles en plastique dans l'ensemble de l'État, ce qui signifie que les touristes devront se procurer de l'eau potable à partir de filtres dans les hôtels, les restaurants et les espaces publics.
Le Sikkim est un état qui a instauré de nombreuses politiques vertes inédites dans le pays. C'est le premier État indien à vouloir dépendre entièrement de l'agriculture biologique, ce qui signifie que toute la nourriture produite au Sikkim devrait bientôt être exempte de pesticides. C'est également le premier état de l'Inde à interdire la défécation à l'air libre. Uriner en public peut coûter 500 roupies (7,50 dollars). Le gouvernement a rendu obligatoire les toilettes à l'intérieur des logements pour recevoir des allocations du gouvernement ou pour participer aux élections au niveau des villages. Cela a abouti au succès du programme qui avait été envisagé des années avant que la campagne de Swachch Bharat (Campagne de l'Inde propre) ne soit même élaborée. L'État a même interdit les pétards en 2014 afin de réduire le bruit et la pollution de l'air.
"Dans les années 1990, un grand nombre de sacs en plastique ont été charriés par les de fortes pluies. Les drains ont été bloqués, ce qui a entraîné un énorme glissement de terrain. Il y a eu des morts. Cela a incité le gouvernement de l'État à interdire les sacs en plastique", a déclaré Rajendra P Gurung, PDG de la société d'écotourisme et de conservation du Sikkim (ECOSS), une ONG locale qui travaille au Sikkim.
ECOSS, basé à Gangtok, oeuvre en collaboration avec d'autres organisations comme le WWF, la Campagne Swachch Bharat sur le projet Zéro Déchet Himalaya, qui vise à lutter contre les déchets dans les régions himalayennes du Bhoutan, de l'Inde et du Népal. Une campagne a été menée et du lobbying a été fait auprès du gouvernement de l'état pour la mise en œuvre effective de l'interdiction au Sikkim.
Le Sikkim est un état qui a instauré de nombreuses politiques vertes inédites dans le pays.
Selon M. Gurung, même si le personnel municipal effectue plusieurs collectes d'ordures tous les jours le matin, seulement 20 à 30% des déchets sont recyclés. Il reste encore beaucoup à faire pour que le Sikkim soit vraiment exempt de plastique.
"Les gens optent pour des sacs en polypropylène non tissés qui ont une texture de tissu mais qui sont en réalité en plastique pour remplacer les sacs en plastique. Les gens l'utilisent en pensant que c'est écologique. Le gouvernement doit renforcer la mise en œuvre de l'interdiction de manière plus sérieuse et promouvoir des options alternatives", a déclaré M. Gurung. "Les plastiques multicouches comme les tetrapacks, les paquets de chips sont également problème. Les gens mangent beaucoup de nouilles instantanées ici, ce qui ajoute aussi aux déchets non biodégradables", affirme-t-il.
Shakti Singh Choudhury, président du conseil municipal de Gangtok a reconnu le problème des sacs en polypropylène. "Ils sont utilisés à petite échelle. On a l'impression qu'ils sont en tissu, alors les habitants pensent qu'ils ne sont pas néfaste pour l'environnement. Mais nous oeuvrons à les éliminer progressivement. Nous demandons aux gens d'apporter leurs propres sacs en tissu quand ils sortent faire leurs courses", a déclaré M. Choudhury.
Des études menées par les ONG Toxics Link basée à Delhi et eCoexist basée à Pune en 2014 et 2018, ont montré que, malgré l'utilisation continue de sacs en plastique, le Sikkim a assez bien réussi dans la mise en œuvre de ses politiques vertes. L'étude d'eCoexist a révélé qu'environ 66% des magasins du Sikkim utilisaient des sacs en papier ou des journaux et environ 34% utilisaient des sacs en plastique, notamment des sacs non tissés.
Par le biais de sanctions, de politiques au niveau de l'État et d'un programme de sensibilisation de masse, ce minuscule État est sur le point de s'affranchir du fléau de la pollution par les plastiques.
L'Inde est le pays hôte de la Journée mondiale de l'environnement 2018. Le thème de cette année est #CombattreLaPollutionPlastique.