Pour cet agriculteur malgache, qui souhaite se faire appeler Edmond, ce fut une percée. En 2019, il a mis au point une technique compliquée pour faire pousser une espèce rare d'arbre connue sous le nom de Dalbergia normandii.
Les plantes proviennent d'une famille d'arbres précieux et difficiles à reproduire, les palissandres, qui ont été abattus et sont maintenant au bord de l'extinction dans de nombreuses régions de Madagascar.
"Cette année est l'une des plus heureuses de ma vie car le temps que j'ai passé à développer cette technique n'a pas été vain", affirme Edmond, 60 ans, qui vit dans le village d'Ambodimanga, sur la côte est de Madagascar. "Cette fois, la chance est de mon côté."
Edmond travaille pour un projet de conservation du bois de rose coordonné par le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). Son objectif est de sauvegarder une espèce d'arbres qui est le produit de la vie sauvage faisant l'objet du trafic le plus important au monde en termes de valeur et de volume. Du Guatemala à Madagascar, en passant par la Thaïlande et la Zambie, les bois de rose ont été ciblés par les trafiquants de bois qui cherchent à tirer profit de la demande croissante en Chine et au Viêt Nam, principalement pour l'ameublement.
"Au cours de la dernière décennie, le volume des importations totales de bois de rose vers la Chine en provenance d'Afrique n'a cessé d'augmenter, et une partie de ce volume était soupçonnée d'avoir été obtenu ou exporté illégalement depuis l'Afrique", indique un rapport de juillet 2020 de l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC).
Pour aider à inverser cette tendance, le PNUE, le ministère de l'Environnement et du Développement durable de Madagascar et des partenaires locaux ont lancé en 2017 un projet financé par le Fonds pour l'environnement mondial intitulé "Conservation des espèces clés, menacées, endémiques et économiquement précieuses". Ce projet, qui continuera jusqu'en 2022, vise à réduire les menaces qui pèsent sur 21 espèces économiquement importantes mais menacées dans 18 sites à Madagascar. Pour assurer la réussite du projet, la production de grandes quantités de nouveaux plants de bois de rose sains est essentielle.
La zone protégée de la Pointe à Larrée, sur la côte dans le centre-est de Madagascar, actuellement gérée par le Jardin botanique du Missouri, est l'un des sites concerné par le projet. Elle abrite 13 espèces ciblées par le projet, dont six espèces de Dalbergia, pour la plupart du bois de rose. (Toutes les espèces de Dalbergia relèvent de l'annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction).
Les espèces de bois de rose "menacées depuis des décennies".
"Ces espèces sont menacées depuis des décennies en raison de l'exploitation commerciale de leur "bois précieux" de grande valeur et de la perte d'habitat due à la culture sur brûlis", explique Adolphe Lehavana, chef de projet à Pointe à Larrée et employé du Jardin botanique du Missouri, une organisation non gouvernementale internationale mandatée par Madagascar pour gérer la zone protégée.
"Les niveaux de population de certaines espèces sont maintenant dangereusement bas et semblent vouées à l'extinction locale car les arbres isolés ne produisent pas de graines.
"Par exemple, dans le paysage, y compris dans la zone protégée, les chercheurs ont pu localiser seulement 10 individus restants de Dalbergia maritima et un seul individu restant de Dalbergia louvelii - tous en dehors de la zone protégée", ajoute-t-il.
Grâce à ce projet, des ressources sont maintenant mobilisées pour prévenir l'extinction locale de ces espèces très rares en renforçant la population sauvage dans le cadre d'un programme de restauration écologique.
En 2019, l'équipe a produit 2 328 jeunes plants de bois de rose en utilisant la technique développée par Edmond, l'agriculteur. Connue sous le nom de "stratification aérienne", elle permet aux écologistes de faire pousser de nouvelles racines à partir des branches d'une plante qui peuvent ensuite être déposées dans le sol. Les bois de rose ont été utilisés, avec d'autres espèces d'arbres indigènes, pour enrichir environ 10 hectares de forêt dégradée. Jusqu'à présent, le taux de survie des jeunes bois de rose a été de près de 100 %.
Le projet contribue aux objectifs du Plan-cadre des Nations unies pour l'aide au développement à Madagascar (2015-2019), en offrant aux populations vulnérables des possibilités d'emploi et en soutenant le développement durable. Il s'inscrit également dans le cadre plus large de l'effort de conservation de la biodiversité tel qu'il est défini dans le rapport Perspectives mondiales de la diversité biologique, publié par la Convention des Nations unies sur la diversité biologique.
Grâce à des activités telles que l'enrichissement et la restauration des forêts, la conservation des espèces endémiques contribue également à l'objectif 15 du développement durable, qui vise à sauvegarder les forêts et à protéger la biodiversité.
La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030, menée par le Programme des Nations unies pour l'environnement, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et des partenaires, couvre les écosystèmes terrestres ainsi que côtiers et marins. Appel mondial à l'action, elle rassemblera les soutiens politiques, la recherche scientifique et la puissance financière pour intensifier massivement la restauration. Découvrez comment contribuer à la Décennie des Nations unies.
Pour plus d'informations, veuillez contacter Adamou Bouhari : Adamou.Bouhari@un.org