Lorsqu'Elderman Ndubiwa Jabulani a été invité à une consultation avec un groupe intersectoriel de parties prenantes locales de son Zimbabwe natal et du Botswana voisin, il était prêt à parler des problèmes que personne n'osait aborder.
M. Jabulani, un agriculteur, affirme que les éléphants piétinent régulièrement ses champs et ravagent ses cultures dans le district de Hwange, au Zimbabwe. Pour les responsables de la vie sauvage, les éléphants semblaient être plus importants que lui et sa famille.
"Nous n'avons jamais été indemnisés pour ces dommages", dit-il à propos des terres sur lesquelles sa famille vit depuis plus de 60 ans. "Nous devrions recevoir les mêmes soins et le même soutien que les animaux".
Au cours des jours suivants, les parties prenantes ont mené des discussions approfondies pour parvenir à une compréhension commune des défis auxquels chaque secteur était confronté dans le paysage, et de la manière dont leurs actions se répercutaient les unes sur les autres.
Des exemples comme celui-ci sont au centre d'un nouveau rapport publié conjointement le 8 juillet par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et le Fonds mondial pour la nature (WWF). Ce rapport invite les responsables politiques à tenir compte des besoins des communautés lorsqu'ils prennent des décisions en matière de conservation et d'utilisation des terres, ce qui, selon le rapport, améliorerait considérablement les perspectives de plusieurs espèces menacées.
Le rapport cite des exemples réussis de consultation des communautés, dont celui du Zimbabwe.
"Il s'agit d'approches centrées sur les personnes, et pas seulement de décisions prises par le secteur de la vie sauvage", a déclaré Julian Blanc, chargé de programme à l'unité de gestion de la vie sauvage du PNUE. "En assurant un mélange judicieux de discussions politiques ascendantes et descendantes, on peut cultiver l'adhésion locale. La coexistence entre l'être humain et la vie sauvage nécessite des approches locales, intégrées et adaptatives à long terme, plutôt que de simples mesures de dissuasion provisoires visant à atténuer les incidents conflictuels. Nous devons permettre et planifier la coexistence pour que les êtres humains et les animaux sauvages puissent prospérer."
Conflits être humain-vie sauvage
Le rapport, intitulé Un avenir pour tous : la nécessité de la coexistence entre l'être humain et la vie sauvage, constate que le développement rapide des infrastructures et l'expansion de l'agriculture et de l'exploitation forestière aggravent les conflits entre les communautés et les animaux sauvages.
Ces contacts amènent souvent les gens à tuer des animaux en état de légitime défense, ou à titre préventif ou de représailles, ce qui peut accélérer l'extinction des espèces.
À l'échelle mondiale, les meurtres liés aux conflits touchent plus de 75 % des espèces de félins sauvages, d'ours polaires, de phoques moines de la Méditerranée et d'éléphants, parmi une multitude d'autres animaux. Dans le même temps, les conflits entre l'être humain et la vie sauvage font des ravages des deux côtés, avec des vies perdues parmi les humains et les animaux sauvages.
Selon le rapport, la prise de décision est souvent déconnectée des besoins économiques des communautés, qui sont souvent appauvries. En conséquence, la tolérance locale à l'égard de la conservation, même parmi les personnes qui ont historiquement coexisté avec les espèces sauvages, s'érode.
Selon le nouveau rapport, les communautés locales doivent être considérées comme des alliées dans la lutte pour sauver les animaux menacés.
Parmi une série de recommandations, le rapport préconise que les conflits entre l'être humain et la vie sauvage soient reconnus comme une menace pour le développement durable et la réalisation des objectifs de développement durable. Le rapport recommande que les considérations de coexistence soient intégrées dans la conception et la mise en œuvre de toutes les politiques et de tous les programmes pertinents et que des moyens financiers soient prévus pour leur mise en œuvre.
Il est essentiel que nous soyons considérés égaux.
Extinctions et pauvreté persistante
Ce rapport intervient dans un contexte que les experts qualifient de triple crise planétaire : perte de biodiversité, changement climatique et pollution. L'activité humaine pourrait entraîner l'extinction de près d'un million d'espèces végétales et animales, ce qui serait sans précédent dans l'histoire de l'humanité.
La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes est l'occasion de mobiliser la communauté mondiale pour rééquilibrer la relation entre l'être humain et la nature.
Pour illustrer le pouvoir de la collaboration, le rapport cite l'effort de conservation des éléphants au Zimbabwe. Elle s'inscrit dans le cadre d'un projet plus vaste mené dans la zone de conservation transfrontalière de Kavango-Zambezi (KAZA), qui s'étend sur cinq pays : l'Angola, le Botswana, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe. D'une superficie équivalente à celle de la France, la KAZA est la plus grande zone de conservation terrestre du monde et abrite environ 2,6 millions de personnes.
Dans cette zone, le projet "Paysages de coexistence en Afrique" du PNUE vise à trouver des solutions pour préserver la vie sauvage tout en stimulant le développement économique durable dans les zones où les êtres humains et la vie sauvage vivent côte à côte.
Financé par l'Union européenne et exécuté par le PNUE, en collaboration avec les agences nationales de protection de la vie sauvage du Zimbabwe et du Botswana, ainsi que le secrétariat de la KAZA, ce projet a utilisé la modélisation informatique pour définir diverses options de conservation et d'utilisation des terres. Les parties prenantes de plusieurs secteurs, dont l'agriculture, la sylviculture, le tourisme, l'eau et la vie sauvage, ont discuté des moyens pragmatiques de rendre la coexistence possible. Le projet, qui est toujours en cours, présente maintenant ces scénarios et ces idées aux décideurs politiques aux niveaux national et international afin de les traduire en politiques intégrées efficaces.
Pour Elderman Jabulani, le processus de consultation a été la première fois qu'il a eu le sentiment que sa voix était entendue par rapport aux grondements des camions miniers et aux trompettes des éléphants.
"Les communautés ont besoin d'avoir des contributions et de participer avant qu'ils ne formulent des politiques", a-t-il déclaré. "Il est nécessaire que nous soyons considérés comme des égaux".
La Décennie des Nations unies pour la restauration des écosystèmes 2021-2030, menée par le Programme des Nations unies pour l'environnement, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture et des partenaires tels que l'initiative Africa Restoration 100, le Forum mondial des paysages et l'Union internationale pour la conservation de la nature, couvre les écosystèmes terrestres ainsi que les écosystèmes côtiers et marins. Appel à l'action au niveau mondial, la Décennie rassemblera le soutien politique, la recherche scientifique et les moyens financiers nécessaires pour intensifier massivement la restauration. Aidez-nous à façonner la Décennie.
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