Bart Creeze/UNEP
27 Feb 2023 Récit Nature Action

Des écosystèmes essentiels : les tourbières du bassin du Congo

Bart Creeze/UNEP

Des responsables d’Afrique et d’Asie se réuniront cette semaine au Gabon à l’occasion d’un sommet international sur l’état des forêts tropicales de la planète, qui, selon des spécialistes, disparaissent à un rythme alarmant.

Une grande partie des discussions sera axée sur le bassin du Congo, qui stocke davantage de carbone, facteur du réchauffement climatique, que l’Amazonie, mais est en train de disparaître. 

Le bassin du Congo abrite les plus grandes tourbières tropicales du monde, aux côtés du Brésil et de l’Indonésie. La forêt marécageuse tourbeuse du bassin du Congo stocke approximativement 29 milliards de tonnes de carbone, soit l’équivalent d’environ trois années d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, tandis que l’ensemble du bassin du Congo absorbe près de 1,5 milliard de tonnes de dioxyde de carbone par an. Le bassin s’étend sur six pays : le Cameroun, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, la République du Congo, la Guinée équatoriale et le Gabon.

« Le bassin du Congo est l’une des dernières régions au monde qui absorbe plus de carbone qu’elle n’en émet », souligne Doreen Robinson, Responsable pour la biodiversité et les terres du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). « Nous devons trouver des moyens de répondre à des besoins énergétiques cruciaux pour le développement sans sacrifier les tourbières et les services essentiels qu’elles fournissent aux populations et à l’économie. »

Les tourbières sont des puits de carbone efficaces, absorbant plus de carbone de l’atmosphère qu’elles n’en rejettent. Les puits de carbone sont indispensables pour faire face à la crise climatique et protéger la santé de la planète. Toutefois, le rapport Devenons la #GénérationRestauration du PNUE avertit que les tourbières et d’autres puits de carbone sont déjà menacés de disparaître en raison des changements climatiques, de la destruction de la nature et de la perte de biodiversité, ainsi que de la pollution et des déchets. Sans les services essentiels que fournissent ces écosystèmes, la crise relative au climat et à la nature ne fera que s’aggraver.

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Les tourbières et la crise climatique

La crise climatique augmente la fréquence de phénomènes météorologiques extrêmes qui aggravent les pénuries de nourriture et d’eau, perturbent les économies mondiales et menacent le bien-être humain. Étant donné que les émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique devraient augmenter, le déploiement d’une action urgente intersectorielle ainsi que la protection et la gestion durable des tourbières sont jugés déterminants.

Les écosystèmes des tourbières jouent un rôle essentiel dans l’atténuation de la crise climatique. Ils abritent et protègent des espaces naturels rares et vitaux et favorisent la résilience grâce au captage de l’eau, à leur faculté de stockage et à bien d’autres éléments. Selon un rapport du PNUE, la protection et la restauration des tourbières déjà dégradées permettraient de réduire les émissions mondiales de gaz à effet de serre de 800 millions de tonnes par an.

Les tourbières couvrent seulement 3 % de la surface de la Terre, mais stockent environ 600 milliards de tonnes de carbone, soit deux fois plus que toutes les forêts du monde réunies. Selon des spécialistes, cela en fait l’un des écosystèmes puits de carbone les plus efficaces et souligne le besoin de les protéger.

Les plantes absorbent du carbone lors du processus de photosynthèse, qu’elles utilisent ensuite pour se convertir en bois, feuilles et racines. Étant donné que les tourbières sont saturées en eau, la matière provenant des plantes met plus de temps pour se décomposer. Cela piège davantage de carbone et produit un effet net de refroidissement.

People rowing boats through peatlands.
Les tourbières stockent deux fois plus de carbone que toutes les forêts du monde réunies, mais elles subissent une pression croissante liée au développement.

Tourbières en péril

Plusieurs pays ont pris conscience de l’importance des tourbières et présenté des engagements en faveur de la protection de ces écosystèmes en péril. À l’occasion de la réunion des partenaires de l’Initiative mondiale pour les tourbières qui s’est tenue à Brazzaville en 2018, la République démocratique du Congo, la République du Congo et l’Indonésie ont signé la Déclaration de Brazzaville, qui promeut une meilleure gestion et conservation de la zone de la cuvette centrale dans le bassin du Congo, l’une des plus grandes tourbières tropicales au monde.

Lors de la session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement de 2019, les États membres ont joué un rôle déterminant dans l’adoption d’une résolution qui les appelle vivement, aux côtés d’autres parties prenantes, « à mettre davantage l’accent sur la conservation, la gestion durable et la restauration des tourbières partout dans le monde ».

Malgré ces accords, les tourbières restent particulièrement vulnérables à l’activité humaine.

Environ 15 % des tourbières ont été drainées pour l’agriculture, tandis que 5 à 10 % supplémentaires sont dégradés en raison de la suppression ou de la modification de la végétation. Le drainage et le brûlage de tourbières émettent approximativement deux milliards de tonnes de dioxyde de carbone par le biais de l’oxydation ou d’incendies chaque année, ce qui représente près de 5 % des émissions anthropiques. Un investissement annuel de 46 milliards de dollars jusqu’à 2050 est nécessaire pour réduire ces émissions de moitié, et des spécialistes avertissent que le coût de la sauvegarde des tourbières ne fera qu’augmenter s’il n’y a aucun investissement immédiat.

Protéger les tourbières

Les gouvernements doivent conserver davantage d’aires protégées et mettre l’accent sur l’importance des services écosystémiques que fournissent les tourbières. L’attribution d’une valeur économique aux tourbières et la fixation d’un prix pour les émissions de carbone permettraient de dissuader la poursuite de l’extraction nocive et excessive des ressources et de générer dans le même temps des ressources financières essentielles au profit des communautés locales et du développement durable.

« Les tourbières et les forêts fournissent de nombreux avantages écologiques, économiques et culturels à des millions de personnes », souligne Mme Robinson. « Le coût économique à long terme de la dégradation des écosystèmes est largement supérieur aux gains financiers à court terme provenant de l’exploitation des ressources. Plusieurs pays ont pris conscience de l’importance de la protection des tourbières et doivent faire le nécessaire pour tenir leurs engagements. »

Certaines juridictions, telles que l’Union européenne, envisagent d’imposer des restrictions sur les produits de base dont la production a causé la dégradation de puits de carbone. Les personnes peuvent également inciter les gouvernements et entreprises à adopter un comportement et des politiques respectueux de la nature qui promeuvent une absence d’émissions nettes.

L’Initiative mondiale pour les tourbières, dirigée par le PNUE, met en relation des spécialistes et des institutions afin d’améliorer la conservation, la restauration et la gestion durable des tourbières. Le Programme ONU-REDD, le partenariat phare des Nations Unies sur les forêts et le climat, fait office de plateforme de conseil visant à concevoir des solutions forestières à la crise climatique. Celui-ci joue un rôle important dans la gestion des tourbières en Indonésie, qui abrite environ 22,5 millions d’hectares marqués par la présence de cet écosystème.

La prévention de l’extraction des ressources et l’augmentation de la résilience des tourbières profitent à plusieurs millions de personnes et permettent une avancée en ce qui concerne l’atténuation de la crise climatique.

« Il sera impossible de limiter le réchauffement climatique à 2 °C ou 1,5 °C si nous ne conservons pas les puits de carbone existants, dont font partie les tourbières, et si nous ne réduisons pas rapidement les émissions liées aux combustibles fossiles, pour atteindre zéro émission nette d’ici 2050, mais idéalement bien avant », souligne Mark Radka, Chef du Service « Énergie et climat » du PNUE. « Nous devons également déployer une action massive pour la restauration des écosystèmes afin de réduire les émissions de carbone provenant de sources non fossiles. »

Coordonnées : pour en savoir plus, veuillez écrire à Dianna Kopansky, Coordonnatrice mondiale pour les tourbières, à l’adresse dianna.kopansky@un.org.