En marge du lancement d'un rapport majeur de la Commission mondiale sur l'adaptation le 10 septembre 2019, nous suivons l'histoire d'un héros de l'environnement aux Seychelles et sa quête pour s'adapter au changement climatique en exploitant le pouvoir des arbres. #AdaptOurWorld
Pour beaucoup de travailleurs, la retraite est l'occasion de faire une pause. Ce n'est pas le cas pour Victorin Laboudallon, un grand-père des Seychelles, qui passe ses journées à reboiser les forêts pour lutter contre le changement climatique.
Si un feu de forêt se produit aux Seychelles, vous pouvez être sûr que Victorin Laboudallon sera prêt à se défendre, armé de graines et de pelles.
« Protéger la nature me rend très heureux dans la vie », déclare Victorin Laboudallon. « Nous devons la protéger autant que possible, pour que les autres générations puissent en profiter, comme j'ai pu en profiter quand j'étais enfant. »
Victorin Laboudallon, âgé de 65 ans, a établi un réseau de volontaires, qui compte des enfants tout comme des retraités, auxquels il fait appel pour l'aider à replanter.
« Si demain nous avons un autre incendie se produit, nous sommes prêts à nous rendre sur place et à planter. »
Victorin Laboudallon est bien connu aux Seychelles pour les actions environnementales qu'il a menées durant des décennies ainsi que sa forte personnalité. Tout en plantant des arbres dans la terre humide, pieds nus et jubilant, il affirme que son nom de famille signifie « ami de la boue » dans sa langue créole locale.
« Je ne suis pas quelqu'un qui vit dans le béton. Je vis sous les beaux arbres », dit-il en désignant l'emblématique palmier coco-de-mer.
Les Seychelles sont un archipel constitué de 115 îles, connues pour leurs plages étincelantes et leur biodiversité époustouflante, au large de la côte est de l’Afrique. Ici, le changement climatique n'est pas une perspective lointaine, mais une réalité quotidienne.
Le niveau de la mer monte et de nombreuses îles sont basses. Au fur et à mesure que les eaux montent, le rivage s'effrite et les inondations dévastent les terres des gens.
« Le niveau de la mer s'élève », explique Victorin Laboudallon. « On peut voir des endroits où il y avait des logements auparavant. Maintenant il n'y en a plus. Il y a quelque chose qui ne va pas sur cette planète. »
On ignore comment les Seychelles vont s’adapter. Plus de 16% des terres émergées du pays se situent à moins de 5 mètres au-dessus du niveau de la mer. Pourtant, une étude publiée dans le journal Nature suggère que les glaces de l'Antarctique pourrait à elles seules augmenter le niveau de la mer de 15 mètres à l'horizon 2 500 (article en anglais). Les eaux de ce paradis touristique sont limpides, mais l'avenir ne l'est pas.
Les amoureux de la nature comme Victorin Laboudallon ont pris les choses en main. Tout en visitant sa pépinière, il explique comment différents types d’arbres offrent différents services pour l’adaptation au changement climatique. Pour les Seychellois, les mangroves sont fondamentales.
« Si les mangroves disparaissent, la nation des Seychelles disparaitra aussi », affirme Victorin Laboudallon. « Les mangroves assurent la protection des vies humaines. »
Les mangroves assurent une protection contre les effets de l'élévation du niveau de la mer et contre l'érosion côtière en réduisant considérablement la hauteur et la force des vagues avant qu'elles ne touchent le rivage. En fait, si toutes les mangroves d’aujourd’hui étaient perdues, le coût des dégâts causés par les inondations s'élèverait à 82 milliards de dollars supplémentaires par an. (rapport en anglais)
Cette stratégie qui consiste à utiliser la nature, et les services qu'elle fournit, pour s'adapter au changement climatique est connue sous le nom d'adaptation basée sur les écosystèmes. C’est souvent moins cher que les infrastructures en béton. Sans compter que cela crée simultanément un espace pour la nature.
Pour les défenseurs de l'environnement comme Victorin Laboudallon, c'est une situation bénéfique pour tous. Les communautés peuvent s'adapter au changement climatique tout en protégeant la biodiversité. Ce n'est plus un choix entre les êtres humains ou la nature. Étant donné que l’économie des Seychelles dépend inextricablement de l’écotourisme, l’adaptation fondée sur les écosystèmes est considérée comme une approche prometteuse.
« Année après année, nous observons de plus en plus de preuves de la manière dont la nature peut nous protéger des catastrophes climatiques », constate Jessica Troni, chef de l'unité d'adaptation au changement climatique du Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE). « Dans un rapport important, la Commission mondiale sur l'adaptation indique que la restauration des mangroves pour la protection contre les inondations est deux à cinq fois moins chère que les structures artificielles. »
De retour sur un site de reboisement de mangroves, Victorin Laboudallon explique avec enthousiasme que ces arbres sont encore plus fascinants qu’il ne le son à première vue. Les mangroves ne protègent pas seulement les terres de l'océan, mais protègent également l'océan des terres.
Après la saison des incendies vient la mousson, qui lave tous les débris et les cendres en provenance des forêts dans l'océan. Les couches de terre tombent sur le récif comme une couverture mortelle.
« Elle repose à la surface du corail et le tue. Ensuite, le poisson fuit », affirme Victorin Laboudallon. « Les mangroves font office de passoire. Elles filtrent tous les débris provenant de la colline, assurant ainsi que seule de l'eau propre coule dans l'océan. »
« Les mangroves constituent également un terrain fertile pour les poissons », ajoute-t-il. « Si les mangroves demeurent en bonne santé, les pêcheurs le seront également. »
Le pouvoir des mangroves de protéger à la fois la terre et le corail, tout en générant des revenus pour les pêcheurs locaux, c'est précisément la raison pour laquelle le PNUE considère ces arbres comme une « super solution » au changement climatique.
Dans le cadre d’un projet mondial d’adaptation appelé Ecosystem-based Adaptation South ou EbA South (site internet en anglais, Adaptation fondée sur les écosystèmes Sud), le gouvernement des Seychelles collabore avec des meneurs tels que Victorin Laboudallon. Financé par le Fonds pour l'environnement mondial (site internet en anglais), le projet a recours à la nature pour réduire les impacts du climat sur trois écosystèmes : les habitats côtiers aux Seychelles, les déserts arides en Mauritanie et les forêts montagneuses au Népal.
Des projets comme ceux-ci sont vitaux pour le transfert des leçons sur l'adaptation basée sur les écosystèmes. Aux Seychelles, par exemple, les crabes consommaient les jeunes palétuviers plantés dans le cadre du projet. Des tubes en plastique avaient alors été utilisés pour protéger les jeunes plants ce qui a généré des déchets qui ont ensuite été rejetés dans la nature lorsque des inondations les ont emportés.
En appliquant l'approche de solutions basées sur la nature, les planteurs d'arbres locaux ont décidé d'utiliser des tubes biodégradables en canne à sucre. Grâce à ce projet, ces leçons ont été transférées dans d'autres régions du monde.
EbA South a été exécuté par la Commission nationale chinoise pour le développement et la réforme, par l'intermédiaire de l'Académie chinoise des sciences. En renforçant la collaboration entre les pays du Sud et en partageant des solutions d’adaptation, le projet cherche à créer la prochaine génération de Victorin Laboudallons.
La Journée internationale de la coopération Sud-Sud est célébrée le 12 septembre.
De retour sur l'île de Praslin, Victorin Laboudallon se prépare à rentrer chez lui après une longue journée de plantation d'arbustes. Ses efforts ont été largement reconnus dans son pays d'origine, où il a reçu des récompenses et des honneurs nationaux.
Avec un sourire, il affirme qu’il existe même une espèce locale de fougère qui porte son nom, Ptisana laboudalloniana. Il s’avère qu’ils sont tous deux assez rares.
Pour davantage d’informations sur le projet EbA South, ou pour en savoir plus sur les travaux du PNUE dans le domaine de l’adaptation au changement climatique, veuillez contacter jessica.troni[at]un.org..