La question des effets du changement climatique sur la paix et la sécurité mondiales figure en bonne place à l'ordre du jour de la conférence des Nations unies sur les changements climatiques, la COP26 (en anglais), qui se tient cette semaine à Glasgow.
Comme l'a déclaré le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, dans son discours historique sur l'état de la planète, les changements climatiques sont l'un des plus grands dangers pour la paix. "Les retombées de l'agression contre notre planète entravent nos efforts pour éliminer la pauvreté et mettent en péril la sécurité alimentaire. Et cela rend notre travail pour la paix encore plus difficile, car les perturbations alimentent l'instabilité, les déplacements et les conflits."
Le rapport 2021 sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions : ça chauffe publié la semaine dernière par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), montre que les engagements actuels des pays mettent le monde sur la voie d'une augmentation des températures mondiales de 2,7°C d'ici la fin du siècle. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, même une augmentation de 2°C aurait des conséquences majeures sur l'alimentation, la sécurité et la santé humaine.
Depuis 1946, un an après la création de l'ONU, le nombre absolu de décès dus à la guerre a diminué, et les conflits sont devenus moins meurtriers. Mais les experts craignent que les changements climatiques n'annulent ces progrès. Explications.
1. Les changements climatiques démultiplient les risques
70 % des pays les plus vulnérables aux changements climatiques sont également parmi les plus fragiles sur le plan politique et économique (en anglais). Et près de la moitié des 15 pays les plus exposés aux risques liés au climat accueillent une mission de maintien de la paix ou une mission politique spéciale des Nations unies.
Bien que les changements climatiques ne soient pas toujours une cause directe de conflit, les risques existants pour la paix et le développement peuvent être démultipliés lorsqu'ils sont combinés aux changements climatiques. L'accès à l'eau, à la nourriture, à la santé et au logement peuvent être entravés. Les personnes qui se trouvent déjà dans des situations vulnérables, y compris celles qui vivent dans la pauvreté ou dans des situations de conflit, peuvent subir leurs conséquences de manière plus intense car ces populations ont moins de capacité d'adaptation et moins de ressources pour renforcer leur résilience.
2. Les changements climatiques augmentent la pression sur les structures étatiques et communautaires
Les changements climatiques contribuent à créer des événements météorologiques extrêmes et à évolution lente, ce qui oblige les institutions publiques à réorienter leur attention et leurs ressources. Parallèlement, la diminution des opportunités d'obtenir des moyens subsistance causée par les changements climatiques peut exposer les vulnérabilités au niveau des ménages et des communautés, avoir des effets sur les moyens de subsistance, aggraver les inégalités économiques et éroder les structures sociales qui offriraient normalement soutien et protection.
Un rapport récent (en anglais) sur les risques sécuritaires liés au climat et la consolidation de la paix en Somalie a révélé que l'imprévisibilité croissante des saisons a des effets sur les éleveurs, les agriculteurs, les marchés, les familles et des communautés entières. Au cours des quatre dernières décennies, la Somalie a connu une augmentation des tempêtes de poussière et des sécheresses, qui ont eu tendance à provoquer des conflits entre éleveurs et agriculteurs pour l'accès aux ressources.
3. Les changements climatiques peuvent entraîner des déplacements de population et porter atteinte aux droits de l'homme
Les conditions météorologiques extrêmes et les autres effets néfastes du changement climatique peuvent entraîner des déplacements. Le dernier rapport mondial sur les déplacements internes (en anglais) a révélé qu'en 2020, 30 millions de personnes avaient été nouvellement déplacées à la suite de catastrophes liées aux conditions météorologiques, contre 9,8 millions à la suite de conflits et de violences. En plus d'être déracinées de leur foyer, les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays ont tendance à être plus pauvres et à avoir une sécurité alimentaire moindre.
Selon un rapport récent de la Banque mondiale, 216 millions de personnes pourraient se déplacer à l'intérieur de leur propre pays d'ici à 2050 en raison des effets des changements climatiques à évolution lente. La jouissance de leurs droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels pourrait également être compromise.
4. Les changements climatiques rendent les femmes particulièrement vulnérables
La recherche a montré que les femmes souffrent de manière disproportionnée des impacts du changement climatique pour diverses raisons sociales, économiques et culturelles.
Une étude menée par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme (HCDH) a révélé que dans de nombreux pays en développement, la plupart des petits exploitants agricoles sont des femmes dont les moyens de subsistance et les sources de nourriture sont menacés par les changements climatiques. Ils entraînent une élévation du niveau des mers, de la température et de l'acidité, ce qui réduit les populations de poissons et compromet les moyens de subsistance des femmes travaillant dans la pêche, la transformation et le commerce du poisson.
L'insécurité alimentaire due aux changements climatiques affecte différemment la santé des femmes en raison de leurs besoins nutritionnels pendant la grossesse, l'allaitement et l'accouchement. Les catastrophes liées au climat peuvent diminuer la qualité et la disponibilité des services de santé sexuelle et reproductive. Les femmes peuvent également être exposées à des risques accrus de violence sexuelle et sexiste.
Pour les peuples autochtones, les effets des changements climatiques peuvent entraîner une perte culturelle. Les femmes autochtones, par exemple, sont souvent les gardiennes des connaissances traditionnelles concernant leurs terres et la valeur médicinale des plantes. Les changements climatiques rapides peuvent réduire la biodiversité de leurs écosystèmes et peuvent affecter les connaissances traditionnelles et leur application.
En 2016, le PNUE, ONU Femmes, le Programme des Nations unies pour le développement et le Bureau d'appui des Nations unies pour la consolidation de la paix ont créé le Programme conjoint sur les femmes, les ressources naturelles et la paix (en anglais) afin de tester des approches innovantes sur le terrain et de développer des bonnes pratiques pour utiliser des interventions basées sur les ressources naturelles afin de renforcer la participation des femmes à la prévention et à la résolution des conflits. Le programme a été piloté au Soudan et en Colombie.
5. Un environnement sûr, propre, sain et durable est un droit de l'homme.
Le mois dernier, le Conseil des droits de l'homme (CDH) des Nations unies a reconnu pour la première fois qu'un environnement propre, sain et durable est un droit de l'homme.
Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE, a qualifié l'adoption de cette résolution de "moment décisif pour la justice environnementale", affirmant qu'elle contribuerait à protéger les individus et les communautés contre les risques pour leur santé et leurs moyens de subsistance. Elle a encouragé les États membres à envisager une résolution similaire à l'Assemblée générale des Nations unies, dont l'adhésion est universelle.
Alors que plus de 80 % des États membres des Nations unies reconnaissent déjà le droit à un environnement sain par le biais de leur législation nationale, de décisions de justice ou de traités régionaux, cette résolution marque néanmoins un moment décisif dans la lutte contre la triple crise planétaire du changement climatique, de la perte de nature et de biodiversité et de la pollution et des déchets.
Une approche fondée sur les droits exige des États qu'ils respectent, protègent, promeuvent et réalisent tous les droits de l'homme pour toutes les personnes. Cela signifie qu'il faut prévenir les dommages causés par le changement climatique, mettre les ressources à disposition et permettre aux gens de prendre les mesures appropriées.
Pour en savoir plus, contactez Angela Kariuki au PNUE : angela.kariuki@un.org ou Amanda Kron au HCDH : akron@ohchr.org.
Cet article fait partie d'une série sur l'environnement et les droits de l'homme, produite conjointement par le PNUE et le Haut Commissariat aux droits de l'homme (HCDH).
Le PNUE est en première ligne pour soutenir l'objectif de l'Accord de Paris de maintenir l'augmentation de la température mondiale bien en dessous de 2°C, et de viser 1,5°C, par rapport aux niveaux préindustriels. Pour ce faire, le PNUE a élaboré une solution à six secteurs. La solution à six secteurs est une feuille de route pour réduire les émissions dans tous les secteurs, conformément aux engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris et dans la perspective d'une stabilité climatique. Les six secteurs identifiés sont l'énergie, l'industrie, l'agriculture et l'alimentation, les forêts et l'utilisation des terres, les transports, et les bâtiments et les villes.