31 Mar 2020 Récit Climate Action

La COVID-19 et le paradigme du compromis aux dépends de la nature

Entretien avec Pushpam Kumar, Programme des Nations unies pour l'environnement, économiste en chef de l'environnement.

Dans les semaines qui ont suivi l'apparition de la COVID-19, l'Organisation mondiale de la santé a déclaré une pandémie mondiale, qui s'est depuis propagée dans le monde entier. Outre les pertes de vies humaines, le virus a perturbé la société et démobilisé l'économie mondiale.

Entre-temps, les efforts déployés pour contenir le virus en limitant les déplacements ont eu un impact environnemental remarquable.  Selon le ministère chinois de l'écologie et de l'environnement, les données enregistrées entre janvier et mars 2020 reflètent une augmentation de 84,5 % du nombre de jours pendant lesquels la qualité de l'air est bonne dans 337 villes, et les données satellitaires de la National Aeronautics and Space Administration des États-Unis montrent une diminution du dioxyde d'azote au-dessus de la Chine.

Pushpam Kumar  est l'économiste en chef de l'environnement au Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).  Dans cet entretien, il explique le concept d'analyse des compromis et l'utilisation d'un paradigme de compromis pour explorer la relation complexe entre les humains et la nature.

 

Qu'est-ce que l'analyse des compromis ?

L'analyse des compromis prend en compte les impacts positifs et négatifs des interventions humaines sur la nature et observe la façon dont une situation change lorsqu'un élément est plus présent et qu’un autre l’est moins. 

 

En quoi l'analyse des compromis est-elle pertinente pour les discussions sur la COVID-19 ?

Toute crise présente une occasion d'apprendre.

L'apparition d'épidémies comme la COVID-19 révèle les principes fondamentaux du compromis auquel nous sommes constamment confrontés : les êtres humains ont des besoins illimités, mais la capacité de la planète à les satisfaire est limitée.

le SRAS-COV-2, un virus qui a été attribué à des interférences humaines sur la nature telles que la déforestation, l'empiètement sur les habitats animaux et la perte de biodiversité, a entraîné des milliers de décès en Chine (en anglais). La mise à l’arrêt de la province de Hubei qui en a suivi a contribué à une réduction de la pollution qui, selon un chercheur de l'université de Stanford, pourrait éviter la mort prématurée de 50 000 à 75 000 personnes. Cela démontre un compromis entre une société axée sur la consommation (et son interférence avec la nature) et la résilience de la nature et des écosystèmes.

Quelle que soit sa cause ou son origine, la flambée de maladie COVID-19 a mis en évidence le caractère réciproque de la relation entre l'homme et la nature. Désormais, nous devons essayer de comprendre et d'apprécier les limites jusqu’aux quelles  l'homme peut pousser la nature, avant que l'impact n’en soit négatif. Ces limites doivent être prises en compte dans nos aspirations en matière de consommation et de production.

Wuhan
Coucher de soleil brumeux à Wuhan. Photo de simon.on.flickr/Visual Hunt

 

Comment utiliser l'analyse des compromis pour aborder la COVID-19 et en d’autres crises similaires qui pourraient survenir ?

Une collaboration étroite entre les sciences, notamment l'économie, les sciences naturelles, la zoologie et l'écologie, devrait permettre d'identifier, d'évaluer et de quantifier les pertes et les gains des parties prenantes dans le présent et l'avenir. Compte tenu de la variété et de l'intensité de l'impact réciproque de la nature et de l'être humain, c’est essentiel pour éclairer les décisions qui peuvent produire des résultats contradictoires - lorsque, par exemple, les résultats potentiels sont à la fois positifs et négatifs. Plus précisément, une analyse des compromis serait nécessaire pour :

  • identifier les parties prenantes engagées dans des choix et des décisions spécifiques qui auront un impact sur la nature et l'économie
  • estimer les gains et pertes potentiels pour les différents groupes d'acteurs
  • déterminer le rôle des acteurs privés et publics

    anticiper la manière dont les structures de gouvernance nationales et mondiales existantes peuvent influencer les résultats

Ces recherches solides permettent aux économistes d'identifier à la fois les avantages d'une pression réduite sur la nature et leurs coûts économiques, tandis que les scientifiques élaborent les facteurs biologiques et sanitaires qui influent sur les gains ou les pertes économiques.

Nous savons déjà que les avantages de la pression anthropocentrique sur les frontières planétaires sont bien inférieurs aux coûts potentiels pour la société, à court et à long terme. En fin de compte, la perte d'infrastructures écologiques et le déclin du capital naturel, y compris de la santé humaine, entraînent une diminution de la richesse globale. L'impact des compromis fait aux dépends de la nature est encore plus aigu pour les pays à revenu faible et moyen, où la réalisation d'objectifs de développement tels que la réduction de la pauvreté et des inégalités constitue déjà un défi. 

Les décideurs doivent évaluer soigneusement les effets potentiels des compromis, en déterminant qui y gagnera ou y perdra et comment, et ils doivent s'appuyer sur la sagesse collective pour déterminer les prochaines étapes des défis auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui.

 

Pour davantage d’informations, veuillez contacter Pushpam Kumar: pushpam.kumar@un.org