08 Apr 2019 Récit Climate Action

Le "héros de la montagne" Will Gadd explore les dessous de la calotte glaciaire du Groenland

Will Gadd est « héros de la montagne » auprès d'ONU Environnement et a été désigné aventurier de l'année en 2015 par le National Geographic. Will Gadd est la première personne à avoir gravi les chutes du Niagara. Le défi le plus important et le plus dangereux de l’aventurier canadien consiste toutefois en l'exploration des dessous de la calotte glaciaire du Groenland, une expédition mise en place dans le but de rassembler des données sur les moulins glaciaires et les eaux de fonte et de contribuer à la bonne compréhension des conséquences des changements climatiques sur l’environnement.

Will Gadd
Will Gadd sur le deuxième glacier le plus important du Groenland. Une évaluation minutieuse de tous les risques est essentielle en escalade sur glace.

Crédits photo : Christian Pondella / Red Bull Content Pool

Les moulins glaciaires sont des puits verticaux qui transportent les eaux de surface vers le soubassement du glacier. En les empruntant, on peut accéder à d’énormes lacs d’eaux de fonte, constitués d’eau dévalant de la surface, par de grands trous situés à la surface de la calotte glaciaire et aboutissent à une fosse apparemment sans fond. Durant les mois les plus chauds de l'année, l'escalade des moulins glaciaires peut être extrêmement dangereuse en raison de l'eau de fonte qui les traverse. En hiver, le danger se présente sous la forme de gros morceaux de glace s’effondrant depuis la surface.

La mission de Will Gadd était d’atteindre la nappe phréatique du glacier puis d'y plonger. Le professeur Jason Gulley, hydrologue glaciaire et instructeur de plongée, s'est joint à l'expédition de son collègue explorateur afin de lui apprendre les principes de la plongée spéléologique. Cependant, en raison des risques élevés de chute de glace, ils ont finalement été contraints d'abandonner la plongée. « Le premier objectif est toujours de revenir », explique l'aventurier.

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Malgré l'obligation de renoncer à la plongée, le voyage nous a permis de mieux comprendre comment est géré le débit de l'eau par les moulins dans la calotte glaciaire ainsi que les conséquences potentielles de ce débit sur l’élévation du niveau de la mer. La calotte glaciaire du Groenland est la deuxième calotte glaciaire la plus importante du monde, mais elle est très peu étudiée.

Depuis 1979, la banquise arctique aurait diminué de 40%. Les modélisations climatiques prédisent qu'au rythme actuel des émissions de dioxyde de carbone, la glace de l'Arctique aura complètement fondu pendant la saison d'été à l'horizon 2030. Selon un nouveau rapport de l'ONU Environnement, Global Linkages: A graphic look at the changing Arctic (Liens mondiaux - Un aperçu graphique de l'évolution de l'Arctique, rapport en anglais non traduit en français), même si le monde réduisait ses émissions conformément à l'Accord de Paris, les températures hivernales dans l'Arctique augmenteraient de 3 à 5 ° C d'ici 2050 et de 5 à 9 ° C d'ici 2080, dévastant l'équilibre climatique de la région et déclenchant la hausse du niveau de la mer à l'échelle mondiale.

Will Gadd
Will Gadd se prépare à descendre à l’intérieur du glacier.

Crédits photo : Christian Pondella / Red Bull Content Pool

La fonte des glaces du Groenland et des glaciers arctiques contribue à un tiers de l'élévation du niveau de la mer dans le monde.

Poussé par la curiosité

À propos de sa mission au Groenland, Will Gadd affirme  : « C’est un projet qui m’a entraîné plus loin que n’importe quel autre projet ne m'ait entraîné… Je célèbre chaque moment que je vis pleinement. Accroché d'une seule main au-dessus d'un tourbillon surplombant la calotte glaciaire du Groenland, c'est vivre. Il y a des moments dans la vie qu'on ne pourrait pas vivre plus pleinement que celui qu'on est en train de vivre. C'est l'un de ces moments pour moi. »

Plus jeune, il fréquentait une équipe de spéléologues plus âgés que lui qui l’avaient surnommé "la sonde" en raison de sa capacité prisée à se faufiler dans le plus petit des espaces. « Je me faufilais dans des endroits où aucun être humain n’était jamais allé, parce que c’était extrêmement intéressant et que cela attisait ma curiosité », dit-il.

« Plus de trois décennies après mes premières expériences de spéléologie, mes deux mondes de l'escalade sur glace et de la spéléologie se sont rencontrés. Encore une fois, c’était de la curiosité : que sont ces moulins glaciaires ? »

Mais Will Gadd n'est pas uniquement un aventurier. En collaboration avec le professeur Martin Sharp de l'Université de l'Alberta, ils ont travaillé sous le glacier Athabasca dans les Rocheuses canadiennes et ont découvert de nouvelles formes de vie se développant à l'intérieur du glacier.

« Mon groupe a été le premier à montrer qu'il existait une vie microbienne active dans et sous les glaciers, dans les années 1990, que les microbes sont impliqués dans l'altération des roches et dans le cycle des éléments nutritifs de ces systèmes, et qu'ils ont donc une incidence sur la chimie des eaux de fonte se retirant des glaciers », affirme le professeur Sharp.

Will Gadd
Camp de base sur la calotte glaciaire du Groenland.

Crédits photo : Christian Pondella / Red Bull Content Pool

« Ce qu'a montré notre échantillon [datant de 2016], c'est que les microbes sont relativement abondants dans tout ce système englacial, et que les microbes trouvés à l'intérieur du glacier sont assez différents de ceux qui vivent dans la neige à la surface du glacier », ajoute-t-il.

Carolina Adler, directrice de la l'Initiative de recherche sur la montagne et présidente de l'Union internationale des associations d'alpinisme, explique que les conditions changeantes de la neige, des glaciers et du pergélisol et l'influence des changements climatiques font partie des thèmes abordés dans le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, des océans et de la cryosphère dans un climat en mutation.

« Ce rapport spécial paraîtra en septembre 2019. Nous espérons pouvoir continuer à utiliser toutes les preuves disponibles pour comprendre les facteurs et les processus des évolutions constatées, ainsi que les retours d'expérience et les interconnexions avec les changements climatiques. » affirme-t-elle. Le rapport évaluera la littérature scientifique relative aux changements climatiques, aux océans et à la cryosphère. Il comportera également un chapitre consacré aux régions de haute montagne.

Pour davantage d'informations, veuillez contacter Matthias Jurek : matthias.jurek@un.org, Musonda Mumba, musonda.mumba@un.org (Point focal pour la montagne), ou Jan Dusik, jan.dusik@un.org (Conseiller principal pour l'Arctique)