Des minéraux comme le lithium et le cobalt sont des composants essentiels des batteries qui pourraient favoriser la transition du monde vers l'abandon des combustibles fossiles. La République démocratique du Congo (RDC), deuxième pays d'Afrique par sa superficie, est riche de ces deux éléments.
Mais pendant une grande partie de son histoire récente, la course vers les minéraux a causé des dommages environnementaux et alimenté des conflits violents, contribuant à la crise humanitaire prolongée du pays.
À l'approche de la Journée internationale de la paix, le 21 septembre, nous avons rencontré Corey Pattison, du programme "Catastrophes et conflits" du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), pour discuter de la manière dont les ressources naturelles peuvent être intégrées aux efforts de consolidation de la paix.
La RDC est riche en ressources naturelles et possède 70 % du cobalt mondial. Cela a-t-il été à la fois une bénédiction et une malédiction ?
Corey Pattison (CP) : En effet, le territoire de la RDC est riche en ressources naturelles. Cela inclut le bois, le pétrole et le gaz, l'or et les diamants, ainsi que des minéraux essentiels à la transition énergétique, comme le cobalt et le cuivre. La RDC est l'une des régions les plus riches en biodiversité au monde. C'est également un pays confronté à de nombreux défis en matière de développement. Elle se classe 179e sur 191 pays et territoires dans le monde selon l'indice de développement humain de 2021, et en 2018, plus de 70 % des Congolais, soit environ 60 millions de personnes, vivaient avec moins de 1,90 dollar par jour.
Une partie du défi réside dans le fait que l'histoire institutionnelle de la RDC est profondément façonnée par l'extraction des ressources, qui, historiquement, n'a pas bénéficié aux communautés locales. Cette situation, ainsi que d'autres problèmes de gouvernance, ont conduit à l'insécurité et à la pauvreté, qui créent les conditions propices aux cycles de violence.
Quelles sont les conséquences de l'exploitation du cobalt sur l'environnement et la société ?
CP : La RDC possède environ 3,5 millions de tonnes métriques de réserves de cobalt. Les minéraux tels que le cobalt et le cuivre sont essentiels à l'électrification de l'énergie et des transports ; ils sont utilisés dans tout, des batteries de véhicules électriques aux panneaux solaires et aux éoliennes. Cela place la RDC au centre de la transition vers la décarbonisation, avec les avantages potentiels que représentent les investissements étrangers, les revenus et la création d'emplois. Cependant, cette exploitation massive des ressources a également de profondes conséquences négatives, telles que la destruction d'écosystèmes critiques et la pollution. La gouvernance des ressources extractives accroît également les inégalités.
Comment la dégradation de l'environnement conduit-elle aux conflits en RDC ?
CP : Des cycles de violence ont eu lieu en RDC au cours des dernières décennies, et il est largement reconnu que les ressources naturelles ont joué un rôle dans ces cycles. Selon de nombreuses études, dont celle du groupe d'experts de l'ONU sur la RDC, il est clair que l'exploitation minière joue un rôle assez important dans le financement des groupes armés. L'extraction de ces ressources exerce une pression énorme sur la biodiversité du pays : braconnage, pollution, déforestation et érosion des sols menacent la biodiversité.
Depuis plus d'une décennie, le PNUE soutient la consolidation de la paix environnementale en RDC. Qu'avons-nous appris au cours de cette période ?
CP : Tout d'abord, que la croissance doit être inclusive et durable. Nous devons nous associer au gouvernement pour promouvoir un modèle de développement diversifié. Le deuxième message est que la transition verte et le développement économique de la RDC doivent se concentrer sur la création d'emplois décents pour les communautés marginalisées, les jeunes et les femmes.
Pouvez-vous décrire le travail du PNUE en RDC ?
Le PNUE travaille avec le gouvernement de la RDC pour développer un plan national pour l'extraction de minéraux comme le cobalt. Ce plan viserait à minimiser l'impact environnemental de l'exploitation minière. Nous étudions également si les institutions locales et internationales peuvent aider à résoudre les conflits liés à l'extraction minière, notamment par le biais de processus tels que le partage des revenus et la résolution des conflits.
Ce travail en RDC peut-il être reproduit dans d'autres pays ?
CP : De nombreux problèmes liés à l'extraction du cobalt et à la sécurité environnementale sont spécifiques à la RDC, mais la demande de minéraux exerce une pression sur les écosystèmes locaux, les communautés et les zones d'accueil dans plusieurs autres régions et pays.
Au-delà de la RDC, nous analysons actuellement la manière dont ces dynamiques se déroulent dans d'autres pays possédant d'importants gisements de minéraux critiques, notamment le Brésil, Madagascar, le Myanmar, la République centrafricaine et le Kazakhstan. Le point commun de tous ces contextes est que l'exploitation des ressources minérales peut être une occasion d'accroître la prospérité, mais qu'elle présente en même temps des risques profonds pour les communautés locales et les écosystèmes. Le monde doit se décarboniser. Mais ce processus doit tenir compte des besoins des pays en développement.