La vie John Mwangi dépend de sa voiture vieille de 22 ans. Sa berline Toyota délabrée le transporte non seulement dans les rues de Nairobi, la capitale kenyane encombrée par la circulation, mais elle est aussi sa principale source de revenus.
Appuyé contre son coffre ouvert, entouré de citrouilles fraîches, de patates douces et d'autres légumes, un Mwangi souriant, âgé de 34 ans, explique comment elle a transformé sa vie. Grâce à cette sauveuse improbable, il est aujourd'hui commerçant, marchand et entrepreneur.
"Je suis passé à une carrière d'homme d'affaires. J'utilise ma voiture pour vendre des produits alimentaires. Je vais au village, j'achète de la nourriture, puis je viens ici et je vends", dit-il en faisant le tour d'un marché de Nairobi.
Mwangi n'est pas le seul. Dans toute l'Afrique, ainsi que dans une grande partie du monde en développement, les voitures, minibus et camionnettes d'occasion importés de l'étranger changent la vie des gens. Mais leur prix est élevé et ne cesse d'augmenter dans le monde entier.
Un rapport (en anglais) inédit du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) met en garde contre le fait que des millions de véhicules légers usagés expédiés depuis l'Europe, les États-Unis d'Amérique et le Japon vers l'Afrique et l'Asie sont polluants et dangereux. Ils comportent souvent des composants défectueux ou manquants et dégagent des fumées toxiques, ce qui augmente la pollution de l'air et entrave les efforts de lutte contre le changement climatique.
La rapport, intitulé Used Vehicles and the Environment: A Global Overview of Used Light-Duty Vehicles - Flow, Scale and Regulation (non traduit), détaille la manière dont le parc mondial de véhicules légers doublera d'ici 2050. Quelque 90 % de cette croissance se produira dans les pays à faible et moyen revenu. Sur les 146 pays étudiés dans le rapport du PNUE, environ deux tiers ont des politiques "faibles" ou "très faibles" en matière de réglementation des importations de véhicules d'occasion. Une grande partie des véhicules importés ne seraient pas autorisés à circuler sur les routes des pays exportateurs.
"Les pays doivent cesser d'exporter des véhicules qui ne sont plus en état de marche et échouer aux inspections environnementales et de sécurité, tandis que les pays importateurs doivent adopter des réglementations actualisées", a déclaré Rob de Jong, auteur du rapport et responsable des transports au PNUE.
Les émissions des véhicules sont une source importante de petites particules et d'oxydes d'azote, qui provoquent la pollution atmosphérique urbaine. À l'échelle mondiale, les véhicules sont responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre liées à l'énergie.
Le PNUE demande aux pays exportateurs et importateurs de réglementer le commerce et d'éliminer toute une série d'abus. Il souligne qu'un commerce réglementé peut avoir plusieurs impacts positifs, améliorant la vie de nombreuses personnes et stimulant la prospérité.
De nouvelles règles marquantes
Le rapport du PNUE intervient après que 15 pays africains aient annoncé de nouvelles règles strictes pour les émissions des véhicules et le rendement énergétique. Ces directives, publiées par la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, avec le soutien du PNUE, interdisent l'importation de véhicules légers de plus de cinq ans et visent à doubler l'efficacité des voitures d'ici 2030.
Ces règles constituent une étape importante dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans une région qui compte environ 400 millions d'habitants et où de nombreux véhicules ont dépassé leur durée de vie utile. La Gambie, par exemple, importe des véhicules qui ont en moyenne 18,8 ans, tandis qu'un quart de ceux importés par le Nigeria ont près de 20 ans.
L'Afrique est la destination finale de quelque 40 % des véhicules légers d'occasion, comme celui de Peter Karanja Njuguna. Il transporte ses passagers dans un vieux minibus Nissan de 14 places qui respirent les gaz d'échappement de l'aube au crépuscule. Il dit ne pas connaître l'âge exact de son véhicule mais estime qu'il a entre 10 et 15 ans. Il a coûté 3 000 dollars et tout véhicule plus récent aurait été au-delà de son budget. Il dit que le pot catalytique, qui contient du platine, a été retiré avant d'être exporté.
"Ils enlèvent les éléments qui ne sont pas nécessaires à la façon dont nous les utilisons ici. Ils laissent juste les éléments de base", explique-t-il. "C'est bon marché à l'achat mais cher à l'entretien. Mais en deux ans, mon véhicule est amorti et me procure un revenu".
Les véhicules d'occasion de mauvaise qualité peuvent entraîner une augmentation des accidents de la route, qui tuent environ 1,25 million de personnes chaque année. L'Afrique a le taux de mortalité routière le plus élevé au monde, avec 246 000 décès par an, un chiffre qui devrait atteindre 514 000 en 2030, selon l'Organisation mondiale de la santé.
Améliorations à venir
La question des véhicules défectueux attire l'attention des pays exportateurs. Les Pays-Bas, l'un des plus grands exportateurs de véhicules d'occasion vers l'Afrique, ont étudié les véhicules européens d'occasion exportés par leurs ports et ont constaté que de nombreux véhicules, principalement destinés à l'Afrique de l'Ouest, avaient entre 16 et 20 ans, étaient inférieurs aux normes d'émission de l'Union européenne et ne possédaient pas de certificat de contrôle technique valide au moment de l'exportation. Les Pays-Bas élaborent actuellement des politiques visant à améliorer la qualité des véhicules d'occasion tout en abordant la question avec d'autres pays européens.
Le rapport du PNUE a également montré que des pays, tels que le Maroc et l'île Maurice, qui ont mis en œuvre des politiques restrictives, ont pu accéder à des véhicules modernes, comme les voitures hybrides et électriques, à des prix abordables.