Les feux de forêt balaient l'ouest des États-Unis, prenant des vies, détruisant des maisons et entourant le pays de fumée, Niklas Hagelberg a un message qui prête à la réflexion : cela pourrait être la nouvelle norme en Amérique.
L'expert dans le domaine des changements climatiques du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) affirme qu'un réchauffement rapide de la planète entraînera probablement d'autres incendies records, comme ceux qui ont ravagé les États de Californie, de l'Oregon et de Washington ces derniers mois.
Nous avons récemment discuté avec M. Hagelberg de la relation entre le changement climatique et les feux de forêt, et pour savoir si ces catastrophes pourraient rendre la Californie invivable.
PNUE : Certaines personnes pensent que le changement climatique est un problème qui concerne les générations futures. Cependant, en voyons-nous déjà les premiers effets ?
Niklas Hagelberg : Oui. C'est ici et maintenant. Les températures ont déjà augementé de 1,1°C, elles sont désormais plus élevées qu'à l'époque préindustrielle et cela modifie le monde autour de nous. Je vais vous donner un exemple personnel. J'ai 46 ans. Quand j'étais adolescent dans le sud de la Finlande, on pouvait faire du rallye sur glace. Maintenant, on se demande s'il sera toujours possible de marcher sur la glace. Vous pouvez demander à presque n'importe qui de nos jours et je parie qu'ils auront une histoire similaire à vous raconter. Notre climat se transforme en quelque chose d'incconu. Et il ne correspond pas aux sociétés que nous avons construites.
PNUE : Le changement climatique est-il responsable des incendies qui ont consumé certaines parties de l'ouest des Etats-Unis d'Amérique ?
NH : Les feux de forêt sont un phénomène naturel. Néanmoins, ces dernières années, nous avons constaté une augmentation de la température moyenne, ce qui a entraîné une augmentation de l'évaporation. Nous observons également des sécheresses prolongées. Le paysage est tellement sec après plusieurs années de changements progressifs que la fréquence et l'intensité des incendies ont soudainement augmenté. En fait, un rapport (en anglais) de l'université de Californie à Berkley a révélé que la saison des incendies dans l'ouest des États-Unis est maintenant plus longue de 75 jours que dans les années 1970.
PNUE : Cette année, on a constaté 8 100 incendies en Californie, responsables de la mort de 26 personnes et de la destruction de plus de 7 000 bâtiments. Est-ce la nouvelle norme pour le Golden State ?
NH : C'est possible. Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), les changements climatiques augmentent la probabilité de sécheresses, de tempêtes et d'autres anomalies météorologiques. Ces événements qui se produisaient autrefois tous les 100 ans se produisent soudainement tous les 10 ans. D'après le GIEC, nous nous dirigeons vers une fréquence croissante des incendies, qu'il s'agisse d'incendies de forêt ou de prairie, et vers de nombreuses autres conséquences désastreuses.
PNUE : Certaines parties de la Californie pourraient-elles devenir inhabitables dans un avenir pas si lointain ?
NH : Je crois en l'ingéniosité humaine. Je suis sûr que nous pourrons trouver des moyens de survivre. La question est plutôt : le monde n'est-il pas beau et la Californie n'est-elle pas un endroit magnifique ? Je ne veux pas perdre cela. Nous devons concevoir un avenir meilleur pour nous-mêmes et pour la planète, et non pas nous contenter d'accepter ce qui vient et de vivre au jour le jour.
PNUE : La saison des incendies 2020 est l'une des plus sérieuses jamais enregistrées aux États-Unis. Pensez-vous que cela va enfin inciter les décideurs à prendre des mesures sérieuses contre les changements climatiques ?
NH : Je pense que oui. Je pense que nous sommes arrivés à un stade où les gens savent qu'il s'agit d'une urgence. Dès que les conséquences commencent à frapper près de chez nous, les gens réagissent. C'est la nature humaine. Nous n'avons pas tendance à arrêter de fumer avant d'avoir reçu de mauvaises nouvelles de notre médecin.
PNUE : C'est une mauvaise nouvelle ?
NH : Oui. C'est une mauvaise nouvelle pour notre santé, notre portefeuille et le tissu social.
PNUE : Le monde se dirige vers une température moyenne mondiale qui est de 3 à 4°C plus élevée qu'avant la révolution industrielle. Pour beaucoup de gens, cela peut sembler peu. Que leur dites-vous ?
NH : Prenez l'exemple de votre propre corps. Lorsque votre température passe de 36,7 °C à 37,7 °C, vous envisagerez probablement de prendre un jour de congé. Si il dépasse sa température normale de 1,5 °C, vous restez à la maison, c'est sûr. Si cette hausse atteint 3 °C, les personnes plus âgées qui ont des problèmes de santé préexistants risquent de mourir. Les tolérances sont tout aussi strictes pour la planète.