S'ils n'avaient aucune information sur le climat et les raisons pour lesquelles il change, les habitants du village de Jappineh dans la région du Bas-Fleuve gambien continueraient à planter les mêmes semences dans le même sol et espéreraient le meilleur. Avec des récoltes de plus en plus mauvaises, dans une région où la déforestation, les feux de brousse, les crues et les sécheresses prolongées dégradent les terres et provoquent la disparition des sols fertiles, les agriculteurs déçus, désespéraient de pouvoir nourrir leur propre famille et commençaient à perdre espoir.
« Quand j'étais jeune, la terre était très fertile », déclare Borry Dampha, chef du village de Jappineh, qui compte environ 3 000 habitants. « À présent, nous ne cultivons plus de riz dans notre village, nous dépendons du riz importé, car l’eau nécessaire à sa culture n’est plus disponible ici. »
M. Dampha se souvient d'une époque où il était possible de cultiver beaucoup d'arachides sur une petite superficie de terre puis de les vendre sur le marché et cultiver assez de riz pour une année, et même obtenir un surplus pour la vente. « Ce que nous pouvions cultiver sur un hectare en nécessite maintenant trois, et tout cela est la conséquence de la destruction de l'atmosphère et de la modification du climat. »
Cette situation a amené des dizaines d'hommes, en particulier de jeunes hommes, ont abandonné leurs outils et ont quitté les villages pour chercher du travail dans les villes. D’autres risquent leur vie et toutes les économies de leur famille pour arriver en Europe par la Libye afin de pouvoir envoyer de l’argent chez eux.
Mais depuis la mise en oeuvre de projets d'adaptation au changement climatique pour aider les habitants à comprendre le climat de plus en plus imprévisible et à y adapter les périodes de semence et leurs variétés, M. Dampha a vu moins de garçons et de jeunes hommes abandonner leurs champs et leurs logements. « Au cours des deux dernières années, ils ont commencé à réaliser qu’il pourrait y avoir des opportunités ici », dit-il.
Jappineh est l’un des 14 villages pilotes que le Gouvernement gambien, ONU Environnement et ses partenaires ont choisi de soutenir par le biais d'un projet de système d’alerte précoce lancé en 2014 avec l'aide du Fonds pour les pays les moins avancés du Fonds pour l’environnement mondial.
Le système d'alerte précoce a amélioré la qualité des information météorologique grâce à la fourniture d'un meilleur équipement pour la prévision météorologique à 10 stations du pays. L'accès à l'information a également été amélioré grâce à l'aide procurée aux stations de radio et aux groupes de théâtre locaux pour faciliter le partage de ces informations avec leurs communautés.
« Nous avons appris beaucoup sur le changement climatique et utilisé ces informations pour essayer de nous adapter, comme le montre ce jardin », déclare M. Dampha, se tenant au milieu d'un jardin communautaire irrigué grâce à l'énergie solaire, où les habitants cultivent des légumes afin de pouvoir compléter leur alimentation en plus des cultures de céréales moins fiables et pluviales. « Maintenant, nous pouvons faire pousser des cultures toute l’année et disposer d’un fonds auquel nous contribuons tous et que nous épargnons pour acheter des panneaux solaires et du matériel d’irrigation », dit-il.
La Gambie, l’un des pays les plus petits et les plus pauvres du monde, dépend largement de l’agriculture pour sa survie et est particulièrement vulnérable au changement climatique.
Le météorologue George Gaye a retracé l'évolution de la température et des précipitations dans la région occidentale de la Gambie, dans une station météorologique située à Besse, sa capitale. « Les pluies sont en baisse. Si vous comparez les 10 dernières années, nous avons environ 335 mm de précipitations irrégulières, alors qu'elles étaient autrefois de 400 à 500 mm », affirme-t-il déclaré.
M. Gaye a également vu les températures moyennes grimper de 5 à 10 ° C pour atteindre environ 45 ° C, parallèlement à l’effet catastrophique des changements climatiques sur les communautés, alors que les bovins meurent des causes de la sécheresse et que les gens ont faim. « Vous pouvez voir la sécheresse. Tout est sec maintenant, les animaux ne paissent pas et les êtres humains souffrent. Le niveau de l'eau a vraiment baissé », dit-il.
M. Gaye se réjouit que les prévisions soient plus précises et plus fréquentes grâce au système automatique fourni par ONU Environnement et grâce à la prise en charge d’un réseau mobile pour la transmission de données en direct à un centre météorologique central situé au principal aéroport du pays.
À Jappineh, où le soleil est brûlant même en hiver, les habitants se rassemblent désormais dans la cour d'un centre de santé, à l'ombre, autour d'une radio offerte par le projet pour écouter les prévisions et savoir quand planter. Ils écoutent également les bulletins météo et les avertissements des membres de la communauté qui se déplacent dans les rues sablonneuses munis de haut-parleurs. « Nous sommes désormais très conscients du changement climatique, de ses conséquences et de son coût », déclare M. Dampha. « Sans ce système d'alerte précoce, il aurait été très difficile de faire face à cette nouvelle situation et à beaucoup de destruction. »
« Nous nous sommes tournés vers des solutions de rechange comme ce jardin pour pouvoir nous nourrir pendant les basses saisons : de telles choses nous donnent de l’espoir », dit-il. Cela est particulièrement vrai pour les jeunes hommes, qui peuvent maintenant trouver un moyen de subvenir aux besoins de leurs familles. « Ce genre de projets contribue à faire rester les jeunes. Ils voient des initiatives comme ce jardin et l'énergie solaire et ils voient un avenir ici. »
Pour en savoir plus sur le travail d’ONU Environnement en matière d’adaptation au changement climatique, veuillez contacter Jessica Troni : jessica.troni@unenvironment.org.