22 Jan 2020 Récit Climate Action

Dix conséquences des feux de brousse australiens

  1. Conséquences physiques, directes

Selon les médias, plus de 18 millions d'hectares ont brûlé pendant la saison des feux de brousse australiens 2019-2020 à la mi-janvier, détruisant ainsi plus de 5 900 bâtiments, dont plus de 2 800 logements. En plus des décès humains, plusieurs millions d'animaux auraient péri.

img
Restes d'une propriété incendiée touchée fin décembre 2019, à Bruthen South Victoria, Australie, le 4 janvier 2020.. Photo by: AAP Image/James Ross via REUTERS 

2.  Conséquences sur l'écologie et la biodiversité

Après la dévastation initiale des incendies, leurs effets se poursuivent. On estime qu'un milliard d'animaux, ainsi que beaucoup de chauves-souris et d'insectes, vont probablement mourir au cours des semaines et des mois à venir en raison de la perte d'habitat et de sources de nourriture. Cette perte fait partie d'un tableau beaucoup plus vaste d'un monde où la biodiversité est en déclin rapide. Nous perdons des espèces sauvages à une échelle de plus en plus grande sur la planète : cela a des répercussions sur des écosystèmes vitaux pour notre propre production alimentaire mondiale. La biodiversité terrestre mondiale est concentrée dans les forêts : elles abritent plus de 80 % de toutes les espèces terrestres d'animaux, de plantes et d'insectes. Ainsi, lorsque les forêts brûlent, la biodiversité dont l'homme dépend pour sa survie à long terme disparaît également. Plus d'un million d'espèces sont actuellement menacées d'extinction si nous continuons à agir comme si de rien n'était, de plus, les phénomènes météorologiques extrêmes tels que les "méga-feux" deviennent de plus en plus préoccupants pour la survie des espèces.

img
A dead Australian native bird is seen on ashes on the ground near Eden, Australia January 7, 2020. 

Photo by: REUTERS/Tracey Nearmy
https://unenvironment.s3.us-east-2.amazonaws.com/s3fs-public/inline-images/list2.jpg">

3. Santé publique

En janvier 2020, en raison de l'épaisse fumée et de la pollution de l'air résultant des incendies, des rapports ont indiqué que la ville de Canberra a enregistré le pire indice de qualité de l'air de toutes les grandes villes du monde. Les feux de forêt produisent une fumée nocive qui peut causer des décès. Les incendies génèrent une pollution atmosphérique sous forme de particules fines qui menace directement la santé des êtres humains, même lors d'expositions relativement courtes. Lorsqu'on se trouve à proximité des incendies, la fumée constitue un risque pour la santé car elle contient un mélange de gaz dangereux et de particules qui peuvent irriter les yeux et le système respiratoire. Les effets de l'exposition à la fumée et de son inhalation peuvent comprendre l'irritation des yeux et des voies respiratoires ou des troubles plus graves, comme une réduction de la fonction pulmonaire, des bronchites, une exacerbation de l'asthme et la mort prématurée. L'exposition aux particules est la principale menace pour la santé publique résultant d'une exposition à court terme à la fumée d'un incendie. Selon l'Organisation mondiale de la santé, les personnes âgées, les personnes souffrant de maladies cardio-respiratoires ou de maladies chroniques, les enfants et les personnes qui travaillent en plein air sont particulièrement vulnérables.

img
Une passante porte un masque respiratoire pour se protéger de l'épaisse fumée des feux de brousse, à Melbourne, Australie, le 14 janvier 2020. Photo par AAP Image/David Crosling/via REUTERS.

4. Les conséquences des incendies traversent les frontières

La fumée des feux de forêt peut parcourir de grandes distances. Elle est souvent repoussée dans la stratosphère par la chaleur des incendies. La fumée des feux de brousse en Australie a dérivé à travers le Pacifique et pourrait avoir atteint l'Antarctique, selon l'Organisation météorologique mondiale (communiqué de presse en anglais). Cela a entraîné une qualité de l'air dangereuse dans les grandes villes australiennes, et a également affecté la Nouvelle-Zélande et des villes d'Amérique du Sud alors que la fumée a atteint l'Argentine et le Chili.

img
La fumée des feux de brousse australiens de 2019-2020 est visible depuis l'espace et dérive à travers l'océan Pacifique. Source : NASA

5. Coûts en termes de santé mentale

Les incendies ne causent pas seulement des dommages physiques : de nombreuses personnes subissent des traumatismes mentaux suite à l'expérience d'une évacuation d'urgence et à la perte de leur logement, de leurs animaux domestiques, de leurs biens, de leur bétail ou d'autres sources de revenus. Certaines communautés se sont retrouvées dans l'incapacité d'évacuer rapidement les lieux quand les coupures d'électricité ont empêché les stations de carburant de fonctionner ou que les routes bloquées ont fait prisonniers des habitants dans des zones à haut risque. Certaines personnes ont été forcées de se mettre à l'abri sur les plages et sur des bateaux, ont dû abriter les enfants pendant tout une nuit tout en étant témoins d'incendies violents sans précédent. De telles expériences peuvent avoir des effets durables sur la santé mentale des communautés touchées.

img
A man sits on a bench as caravans and tents of evacuees are parked at a showground that was turned into an unofficial evacuation centre, in the town of Cobargo, Australia, January 12, 2020. Photo by: REUTERS/Alkis Konstantinidis 

6. Coûts économiques

Les coûts pour l'économie australienne sont encore en cours d'analyse, mais il est clair que les infrastructures ont été endommagées et que les impacts s'étendent à des secteurs tels que l'agriculture et le tourisme. Certaines entreprises et institutions ont été contraintes de fermer leurs portes pendant des périodes où les niveaux de pollution atmosphérique étaient excessifs.

img
Dommages aux infrastructures pendant la saison des feux de brousse australiens de 2019-2020. Photo de Mark J Toomey, Pixabay.

7. Cercle vicieux pour le climat

Les feux de brousse n'ont pas uniquement été rendus plus probables et plus intenses par les changements climatiques. Leurs conséquences les alimentent. Au préalable, avant la survenue de cette saison des feux de brousse 2019-2020 en Australie, on pensait que les forêts australiennes réabsorbaient tout le carbone libéré par les feux de brousse qui sévissaient dans le pays. Cela aurait signifié que les forêts auraient pu atteindre des émissions nettes nulles. Cependant, le réchauffement climatique rend les feux de brousse plus intenses et plus fréquents et les feux de brousse de 2019-2020 ont d'ores et déjà émis 400 mégatonnes de dioxyde de carbone dans l'atmosphère selon le programme d'observation et de surveillance Copernicus. C'est autant que la moyenne annuelle des émissions de dioxyde de carbone de l'Australie au cours des trois derniers mois seulement. Ces émissions augmenteront le bilan des émissions annuelles de gaz à effet de serre de l'Australie, contribuant ainsi au réchauffement climatique, et augmenteront ainsi la probabilité de méga-feux récurrents qui libéreront encore plus d'émissions. Il s'agit là d'un cercle vicieux climatique très préoccupant.

img
Thick plumes of smoke rise from bushfires at the coast of East Gippsland, Victoria, Australia January 4, 2020 in this aerial picture taken from AMSA Challenger jet. Photo by Australian Maritime Safety Authority/Handout via REUTERS

8. Coûts environnementaux : pollution

Les cendres des incendies ont atterri dans les cours de récréation des écoles, les arrière-cours, et sont rejetées sur les plages australiennes et dans les réserves d'eau douce et les bassins versants. Les bassins de captage d'eau potable sont généralement des zones forestières et sont donc vulnérables à la pollution par les feux de brousse. Les cendres des feux de brousse contiennent des nutriments, tels que l'azote et le phosphore. L'augmentation des concentrations de nutriments peut stimuler la croissance des cyanobactéries, communément appelées algues bleues. Les cyanobactéries produisent des substances chimiques qui peuvent causer toute une série de problèmes de qualité de l'eau, notamment un mauvais goût et une mauvaise odeur, et parfois des produits chimiques toxiques. Lors d'un incendie, des panaches de fumée, de cendres et d'autres débris sont transportés par le vent et se dispersent dans les paysages. Parfois, ces vents soufflent au-dessus de l'océan, et y apportent des nutriments (en anglais) excessifs. Lorsque les sols brûlés se déversent dans les ruisseaux et les rivières, ils fertilisent les plantes aquatiques et les algues. L'apport supplémentaire de nutriments peut être bénéfique avec modération, mais une trop grande quantité peut entraîner une sur-fertilisation et une croissance excessive des algues. Les algues absorbent l'oxygène (en anglais) de l'eau pour se développer et épuisent l'oxygène dissous lorsqu'elles meurent et se décomposent, ce qui peut asphyxier les poissons et d'autres formes de vie marine, ce qui a des effets localisés sur la biodiversité. Il peut en être de même dans les environnements océaniques, où la fumée a montré son impact négatif sur les écosystèmes marins lors de plusieurs incidents passés : la brume provoquée par les incendies records survenus en Indonésie a tué les récifs coralliens à la fin des années 1990, selon une étude de la revue Science : la fumée riche en fer s'est répandue sur la côte et a fertilisé l'eau provoquant une énorme prolifération de plancton. La marée rouge a asphyxié les récifs coralliens autour des îles Mentawai, au large du sud-ouest de Sumatra.

img
Des cendres et des débris des incendies sont rejetés sur la plage de Boydtown près de la rivière Nullica à Eden, en Australie, le 7 janvier 2020. Photo : REUTERS/Tracey Nearmy

9. Conséquences sur l'agriculture

Les feux de brousse ont brûlé les pâturages, détruit le bétail et rasé les vignobles. Leur repousse et reprise seront susceptibles d'ajouter un stress supplémentaire aux ressources en eau déjà mises à mal par la sécheresse. Les rapports indiquent que l'approvisionnement en produits laitiers du pays sera probablement le plus touché, le Victoria et la Nouvelle-Galles du Sud, les principaux États producteurs de lait de l'Australie, ayant subi les plus grandes pertes de terres agricoles et les plus grands dommages aux infrastructures. La production de viande, de laine et de miel pourrait également être touchée. Environ 13 % du cheptel ovin national se trouve dans des régions qui ont été fortement touchées et 17 % dans des régions partiellement touchées, selon Meat & Livestock Australia. Dans son rapport de 2019 sur le changement climatique et terres émergées, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a constaté que le changement climatique a déjà affecté la sécurité alimentaire et l'industrie agricole en raison du réchauffement, de la modification des régimes de précipitations et de la plus grande fréquence de certains événements extrêmes (confiance élevée). Dans certaines zones arides, l'augmentation de la température et de l'évapotranspiration de la surface terrestre et la diminution des précipitations, en interaction avec la variabilité du climat et les activités humaines, ont contribué à la désertification. Ces zones comprennent l'Australie (rapport en anglais).

img
Des moutons se frayent un chemin dans les terrains incendiés près de Bega, News South Wales, Australie, 8 janvier 2020. 

Photo : REUTERS/Alkis Konstantinidis
https://unenvironment.s3.us-east-2.amazonaws.com/s3fs-public/inline-images/list9.jpg">

10. L'attitude du public change

Alors que les Australiens auraient fait l'objet de campagnes de désinformation et de tentatives ciblées pour nier le lien entre le changement climatique et des feux de brousse plus intenses, cette saison des feux de brousse a donné aux Australiens, et au monde des observateurs, un aperçu des catastrophes humanitaires, écologiques et économiques d'un climat en évolution et en réchauffement. Le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) et d'autres membres de la famille des Nations unies continueront à utiliser leurs plateformes numériques pour partager des informations et des faits précis sur la science relative aux changements climatiques et sur la manière dont elle accroît la probabilité et l'intensité de phénomènes météorologiques extrêmes et tragiques comme celui-ci.

img
Une femme portant du maquillage participe à une manifestation pour protester contre la crise des feux de brousse en Australie devant l'ambassade australienne à Buenos Aires, en Argentine, le 10 janvier 2020. Photo : REUTERS/Matias Baglietto