Cyprine Odada, habitante de Nairobi, fatiguée des embouteillages décide en 2015 d'essayer de se rendre au travail à vélo. Son premier trajet à deux roues dans la capitale kényane lui a ouvert les yeux.
"C'était très effrayant, et la plupart des utilisateurs de véhicules à moteur n'étaient pas cordiaux", a déclaré Cyprine Odada,urbaniste. "Beaucoup pensent que les cyclistes, surtout les femmes, ne devraient pas être sur nos routes".
Son expérience est loin d'être unique. Au Kenya et dans une grande partie de l'Afrique, les piétons et les cyclistes sont régulièrement confrontés à des dangers tels que des voitures roulant à vive allure, des trottoirs délabrés et, pendant la saison des pluies, des inondations. Chaque jour, 261 piétons et 18 cyclistes en moyenne sont tués sur les routes d'Afrique.
Cependant, les villes du continent prennent des mesures que les experts qualifient d'encourageantes pour faire baisser ces chiffres. Du Cap au Caire, les municipalités construisent des pistes cyclables, améliorent l'accès des piétons aux transports en commun et réhabilitent les infrastructures urbaines.
En plus de rendre les routes plus sûres, ces changements pourraient contribuer à réduire la pollution atmosphérique, responsable des centaines de milliers de personnes chaque année en Afrique, en permettant aux gens de choisir des modes de transport sûrs et confortables à faible émission de carbone et d'éviter les voitures qui crachent de la suie.
"Les politiques et les investissements qui favorisent la marche et le cyclisme sauvent des vies et combattent également les embouteillages, la pollution atmosphérique et le changement climatique", a déclaré Sheila Aggarwal-Khan, directrice de la division Économie du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).
Bien que le continent dans son ensemble soit historiquement parmi les plus faibles émetteurs, le secteur des transports en Afrique a produit près de 330 millions de tonnes de dioxyde de carbone en 2019, un chiffre qui augmente rapidement.
Bon nombre des efforts municipaux visant à améliorer la sécurité routière sont décrits dans un nouveau rapport du PNUE, du Programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) et de la Fondation Walk21.
La publication, intitulée Walking and Cycling in Africa: Evidence and Good Practice to Inspire Action (non traduite), vise à encourager les décideurs politiques à rendre les routes plus sûres pour tous les usagers, en particulier les cyclistes et les piétons.
"Le milliard de personnes qui marchent et font du vélo pendant près d'une heure chaque jour prenne un risque incroyable dès qu'elles sortent de chez elles", indique le rapport. "Elles doivent naviguer dans des rues sans trottoirs accessibles. Elles doivent traverser des routes encombrées de voitures roulant à toute vitesse ou naviguer sur des passages de fortune."
Selon les experts, en construisant des infrastructures pour la marche et le vélo, les villes peuvent inciter les gens à délaisser les voitures, les bus et les motos, contribuant ainsi à atténuer la pollution souvent mortelle qui pèse sur de nombreuses villes africaines. Une étude (en anglais) financée par le PNUE a révélé que la pollution de l'air ambiant était responsable de 394 000 décès sur le continent en 2019.
À Nairobi, par exemple, le type dominant de pollution atmosphérique est constitué de particules fines (PM2,5). En 2020, la concentration moyenne de PM2,5 dans la capitale kényane était de 14,7 microgrammes par mètre cube, selon les données compilées par le PNUE et IQAir, une entreprise suisse spécialisée dans les technologies de la qualité de l'air. Ce chiffre est environ 1,5 fois supérieur au niveau recommandé par l'Organisation mondiale de la santé.
L'abandon des véhicules fonctionnant aux combustibles fossiles pourrait également contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l'origine du changement climatique. Le secteur des transports en Afrique a produit près de 330 millions de tonnes de dioxyde de carbone en 2019, un chiffre qui augmente rapidement.
Bien qu'ils soient le mode de transport dominant en Afrique, la marche et le vélo sont généralement les moins pris en compte dans la planification urbaine. Les investissements dans les infrastructures ont tendance à se concentrer sur les véhicules motorisés, y compris le nombre croissant de voitures privées.
Le rapport sur la marche et le vélo en Afrique fait suite au lancement, l'année dernière, de la campagne "Cycling Cities", soutenue par le PNUE et ONU-Habitat. Le rapport appelle à un investissement systématique dans les infrastructures dédiées, comme les trottoirs, les pistes cyclables et les traversées de routes. Il invite les villes à rendre plus sûres les routes situées à proximité des écoles et encourage les responsables à planifier les arrêts des transports publics pour s'assurer qu'ils sont praticables à pied ou à vélo.
Le rapport met en lumière une étude de cas réalisée à Lusaka, en Zambie, où les autorités, avec le soutien du PNUE et d'autres agences des Nations unies, ont utilisé les données relatives aux accidents pour cartographier les routes et les intersections les plus dangereuses de la ville. Ces données, espèrent les responsables, seront utilisées pour apporter des améliorations ciblées aux infrastructures.
Mme Odada, l'urbaniste, espère voir davantage de prises de décision fondées sur des preuves comme celle-ci dans les années à venir.
"En tant qu'urbaniste, je n'avais initialement pas fait le lien entre mon travail et la sécurité des cyclistes et des piétons sur nos routes", a déclaré Mme Odada, qui travaille désormais avec le groupe de sécurité cycliste Critical Mass Nairobi.
"Nous devons améliorer la conception des routes en y intégrant des pistes cyclables et formuler de meilleures politiques et lois pour protéger les cyclistes et les piétons."
Le PNUE est le principal porte-parole mondial en matière d'environnement et soutient activement les initiatives de mobilité durable. Il aide les gouvernements et les partenaires à mettre en œuvre des politiques, des technologies et des investissements qui conduisent à des transports à faible émission de carbone. Il fournit un leadership et encourage le partenariat dans la prise en charge de l'environnement en inspirant, informant et permettant aux nations et aux peuples d'améliorer leur qualité de vie sans compromettre celle des générations futures.
Pour lutter contre l'impact omniprésent de la pollution sur la société, le PNUE a lancé #CombattreLaPollution, une stratégie d'action rapide, à grande échelle et coordonnée contre la pollution de l'air, des sols et de l'eau. Cette stratégie met en évidence l'impact de la pollution sur le changement climatique, la perte de la nature et de la biodiversité, et la santé humaine. Grâce à des messages fondés sur la science, la campagne montre comment la transition vers une planète sans pollution est vitale pour les générations futures.