Un structure que beaucoup d'habitants du village de Wada'a, au Soudan, n'avaient jamais vu auparavant.
Il y a quelques mois, des ouvriers ont commencé à acheminer l'eau d'une petite structure ressemblant à un barrage vers les terres agricoles asséchées entourant cette communauté de 17 000 habitants, située dans l'État du Darfour-Nord.
Dans un autre lieu ou à un autre moment, ce simple acte d'irrigation n'aurait peut-être pas semblé remarquable.
Mais l'achèvement du barrage est intervenu alors que le Soudan basculait dans un conflit armé (en anglais), des combats ayant éclaté dans plusieurs régions du pays, notamment à El Fasher, la capitale de l'État du Darfour-Nord.
Le projet de barrage, mené par le Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), soutient les habitants de Wada'a, qui luttent depuis longtemps contre la sécheresse.
Il s'agit notamment de l'agriculteur Ahmed Mohamed El Doma, qui voyageait régulièrement cinq heures par jour à dos d'âne pour aller chercher de l'eau dans d'autres villages.
"Le barrage de Wada'a est notre espoir de mettre fin à toute cette misère", a-t-il déclaré.
La Journée internationale de la réduction des risques de catastrophes, qui a eu lieu le 13 octobre, a pour but de mettre en lumière des communautés comme Wada'a, qui luttent contre les inégalités et la crise climatique.
Wada'a se trouve dans le Sahel, une bande de terre aride qui longe la bordure méridionale du désert du Sahara et s'étend sur toute la largeur de l'Afrique. Cette région se trouve en première ligne de la crise climatique, car la diminution des pluies dans de nombreux endroits fait reculer le désert vers le sud. Même en adoptant des politiques ambitieuses pour ralentir le changement climatique, la région pourrait se réchauffer de 2,8 °C d'ici à 2080 (en anglais), ce qui pourrait être catastrophique.
Depuis les années 1970, la région du Darfour a connu une recrudescence des sécheresses, ce qui a eu des conséquences considérables pour les communautés, qui pratiquent essentiellement l'agriculture et l'élevage. Les pénuries d'eau ont déclenché des combats dans ce qui a été appelé le premier conflit mondial lié au changement climatique.
Pour remédier aux pénuries d'eau et favoriser la paix, le PNUE a lancé en 2013 un projet intégré visant à améliorer la gestion de l'eau dans le bassin versant de la rivière Wadi El Ku. Ce cours d'eau saisonnier traverse le Darfour du Nord et fait vivre 700 000 personnes, dont beaucoup cultivent des pastèques et divers légumes.
Une deuxième phase, financée par l'Union européenne (en anglais), a débuté en 2019 en partenariat avec le gouvernement soudanais et Practical Action, une organisation non gouvernementale. Elle devrait bénéficier à 120 000 ménages. Le projet fait partie d'un effort plus large du PNUE pour aider les communautés des pays en développement à s'adapter au changement climatique. D'ici à 2030, les pays en développement auront besoin de 340 milliards de dollars par an pour faire face à la montée des eaux, aux conditions météorologiques extrêmes et à d'autres conséquences liées au climat.
Parmi les objectifs du projet figurent la réhabilitation du barrage de Wada'a et la construction de deux autres barrages dans les communautés voisines, Edelbida'a et Kusa. Les déversoirs sont des barrières qui répartissent le flux d'eau le long d'une rivière, lui permettant de s'infiltrer dans les champs avoisinants. Contrairement aux barrages, ils ne bloquent pas complètement la rivière.
Outre l'arrosage des champs, les déversoirs peuvent fournir de l'eau potable, recharger les nappes phréatiques, lutter contre l'érosion en ralentissant le débit d'une rivière et réduire l'impact des catastrophes, telles que la sécheresse.
Les communautés espéraient que les déversoirs seraient terminés avant la saison des pluies au Soudan, qui commence en juin. C'est à ce moment-là que le fond de la vallée de Wadi El Ku, normalement sec, est saturé d'eau.
Lorsque les combats ont éclaté le 15 avril entre deux factions qui se disputent le contrôle du Soudan, la crainte s'est répandue que le barrage soit retardé et que les agriculteurs de Wada'a manquent la saison de croissance.
Les équipes ont dû faire face à des défis liés aux déplacements, aux pénuries de carburant, aux difficultés de transport et aux problèmes de la chaîne d'approvisionnement qui ont entravé le processus de construction et de réhabilitation du barrage.
Toutefois, les personnes concernées affirment que la structure de gouvernance inclusive du projet - qui prévoit la participation des communautés, des experts techniques, des organisations communautaires et des représentants de l'État et du gouvernement fédéral, a protégé le projet de certaines des retombées du conflit.
Au moment de la saison des pluies, le barrage de Wada'a était terminé. Les deux autres déversoirs étaient partiellement construits mais permettaient encore de collecter et de distribuer de l'eau.
"Ce projet nous a permis de tirer de précieux enseignements", a déclaré Awdallah Hamid, chef de projet pour Practical Action. "L'un des plus importants est que la mise en place d'une structure de gouvernance solide pour la gestion des ressources naturelles peut initialement ralentir les progrès, mais qu'elle est payante à long terme, en particulier en période de crise comme le conflit actuel.