22 Jul 2020 Récit Cities

Comment les villes se servent de la nature pour se protéger des vagues de chaleur

Plus la planète se réchauffe, plus les villes ont besoin de nouveaux moyens pour faire baisser les températures urbaines et protéger leurs habitants. Les vagues de chaleur sont déjà de loin les catastrophes météorologiques les plus meurtrières en Europe ; 140 000 décès associés à 83 vagues de chaleur ont été enregistrés depuis le début de ce siècle. Aujourd'hui, seuls 8 % des 2,8 milliards de personnes vivant dans des endroits où la température quotidienne moyenne est supérieure à 25 degrés Celsius disposent d'un climatiseur.

Le refroidissement est particulièrement important dans les villes confrontées à une hausse des températures, aggravée par l'effet d'îlot de chaleur urbain - le béton et le goudron absorbant la puissance du soleil, la diffusant sous forme de chaleur et maintenant les températures des villes élevées longtemps après le coucher du soleil. La chaleur résiduelle des moteurs et autres équipements consommateurs d'énergie dans les transports, l'industrie et le refroidissement des locaux entraînent une augmentation des températures dans les villes.

Souvent, les quartiers pauvres sont plus touchés car les habitants n'ont pas autant accès aux climatiseurs et aux espaces verts ventilés, ce qui expose les personnes vulnérables à un risque accru de complications de santé liées à la chaleur.

La solution standard au problème du refroidissement dans les villes consiste à augmenter le nombre de climatiseurs, mais cela entraîne son lot de problèmes. Le refroidissement, gourmand en énergie, aggrave le réchauffement climatique. Le nombre d'appareils de refroidissement utilisés devrait passer de 3,6 milliards aujourd'hui à 9,5 milliards d'ici 2050. Si les climatiseurs étaient fournis à tous les ménages qui en ont besoin, et pas seulement à ceux qui ont les moyens de se les procurer,14 milliards d'appareils de refroidissement seraient en service d'ici 2050. Les émissions de gaz à effet de serre atteindraient des sommets.

De nombreuses villes, cependant, prennent des mesures audacieuses pour montrer qu'elles peuvent se refroidir de manière durable, la ville indienne d'Ahmedabad étant l'une d'entre elles. La ville a mis en œuvre son plan d'action pour la chaleur après une saison de pré-mousson extrêmement chaude et meurtrière en 2010. Ce plan n'a pas seulement mis en place un système d'alerte précoce pour les personnes vulnérables. Il prévoyait l'approvisionnement en eau du public, des plantes et des arbres, ainsi qu'une initiative de "toit frais" pour réfléchir la chaleur. Quelque 7 000 ménages à faible revenu ont fait peindre leur toit en blanc, une mesure simple qui réduit considérablement les températures intérieures en réfléchissant la lumière du soleil.

Le plan d'action pour la chaleur permet de sauver environ 1 100 vies chaque année. Son approche innovante en plusieurs étapes a remporté le prix Ashden 2020 pour les villes fraîches, qui récompense les pionniers de la lutte contre le changement climatique.

Gardens by the bay, Singapore.
Jardins au bord de la baie, Singapour. Photo: Unsplash/Victor Garcia

Un grand nombre de preuves montrent que les interventions au niveau des villes peuvent atténuer les effets du stress thermique. Par un après-midi d'été ensoleillé typique, un toit blanc qui reflète 80 % de la lumière du soleil restera environ 30 degrés Celsius (55 degrés Fahrenheit) plus frais qu'un toit gris qui ne reflète que 20 % de la lumière du soleil. L'Agence internationale de l'énergie estime (en anglais) que des villes bien conçues pourraient économiser 25 % de l'énergie qu'elles utilisent pour le chauffage et la climatisation.

Le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) travaille à l'élaboration d'un manuel pour le refroidissement durable soulignant les meilleures pratiques faciles à mettre en œuvre dans les villes. Ce guide aidera les responsables municipaux à élaborer des feuilles de route en matière de refroidissement durable, adaptées aux besoins et aux possibilités propres à leurs villes.

"Au PNUE, nous nous intéressons à la planification et à la conception de villes qui font appel à des solutions passives, intégrant la nature à la ville", affirme Martina Otto, qui dirige les travaux du PNUE sur les villes. "Grâce à un système d'espaces verts bien agencés, en verdissant les façades et les toits des bâtiments et en promouvant la conception passive des bâtiments, les villes peuvent moderniser la construction traditionnelle et contribuer à faire baisser les températures urbaines".

Ces projets mis en oeuvre au niveau des villes se multiplient dans le monde entier. Des villes comme Melbourne, en Australie, prévoient d'augmenter massivement leurs forêts urbaines pour améliorer la qualité de l'air, fournir plus d'ombre et réduire le besoin de refroidissement mécanique. Le projet ForestaMi de Milan, a pour objectif de planter 3 millions de nouveaux arbres dans la ville italienne d'ici 2030 afin de réduire les températures urbaines de 2 degrés Celsius. Et la capitale de la Sierra Leone, Freetown, s'est engagée à planter un million d'arbres et à augmenter la couverture végétale de 50 % d'ici la fin de l'année, dans le cadre d'un effort visant à lutter contre le changement climatique et à stopper la déforestation.

À Francfort, des "salons verts" (en allemand) ont été placés autour de la ville afin de fournir un refroidissement naturel grâce aux plantes. Des villes allant de Stockholm à Tokyo se tournent vers le refroidissement moderne des quartiers pour économiser de l'énergie et de l'argent.

Accueillie par le PNUE, la Cool Coalition, un réseau de grands acteurs mondiaux ayant pour objectif commun d'accélérer la transition vers un refroidissement durable, aide les pays à intégrer le refroidissement dans leurs plans nationaux de lutte contre le changement climatique.

"Les solutions fondées sur la nature sont un élément clé de l'approche de la Cool Coalition pour minimiser les émissions du secteur du refroidissement", affirme Dan Hamza-Goodacre du Programme d'efficacité du refroidissement de Kigali. "Les villes sont à l'avant-garde de la mise en œuvre de solutions basées sur la nature pour lutter contre le changement climatique. Ces solutions permettent de réduire les coûts de refroidissement, de ralentir les émissions de gaz à effet de serre, d'aider les villes à s'adapter aux impacts climatiques, de lutter contre la perte de biodiversité et de protéger la santé humaine, un ensemble d'avantages étonnants".

 

 

A mobile green room in Frankfurt.
Un "salon vert" mobile à Francfort. Photo : PNUE/Irene Fagotto