Résumé analytique
Bilan d'une année record
La communauté mondiale est aujourd'hui témoin de l'accélération et de l'aggravation du réchauffement climatique, avec la multiplication des valeurs records. À l'heure de l'écriture de ce rapport, les températures journalières de la Terre ont déjà dépassé à 86 reprises les moyennes préindustrielles de plus de 1,5 °C. Le mois de septembre, en particulier, a été le plus chaud jamais enregistré, la température journalière moyenne dépassant celle du précédent record de 0,5 °C et s'établissant 1,8 °C au-dessus des moyennes préindustrielles. Ces records ont été accompagnés d'événements climatiques extrêmes et dévastateurs, qui, selon les avertissements du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), ne constitueraient pourtant qu'un pâle aperçu des phénomènes à venir. Les valeurs observées ne signifient pas que l'augmentation moyenne de la température mondiale a dépassé le seuil de 1,5 °C fixé par l'Accord de Paris puisque ce seuil correspond au réchauffement mondial moyen sur plusieurs décennies, mais l'enchaînement des records semble toutefois signaler que nous nous en approchons.
La publication du quatorzième Rapport sur l'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions intervient en amont de la vingt-huitième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 28). Ce document est le résultat d'une évaluation annuelle scientifique et indépendante de l'écart entre les réductions des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur lesquelles les États se sont engagés et les réductions requises pour réaliser l'objectif de stabilisation de la température à long terme établi dans l'Accord de Paris. En plus de proposer différentes pistes destinées à pallier les décalages relevés, le présent rapport met en lumière un certain nombre de faits susceptibles d'alimenter les discussions finales tenues dans le cadre de la COP 28. Cette dernière sera en effet l'occasion de dresser le premier bilan mondial quinquennal de la riposte à la crise climatique depuis la signature de l'Accord de Paris et de recalibrer les objectifs pour les années à venir.
Outre son dessein d'informer la COP 28, notamment en soulignant les conclusions qui ressortent du bilan mondial, ce rapport entend également poser les bases des prochaines contributions déterminées au niveau national (CDN). Celles-ci devront être soumises par les pays en 2025 et présenteront leurs engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2035. C'est dans cette perspective que ce document s'attache à identifier les actions à entreprendre au cours de la décennie et au-delà de 2030 pour faire en sorte que l'objectif de stabilisation de la température à long terme établi dans l'Accord de Paris demeure réalisable. Conserver la possibilité d'atteindre cet objectif nécessitera des efforts sans relâche, tout au long de la décennie, pour intensifier les actions d'atténuation des changements climatiques afin de combler le retard actuel en matière de réduction des émissions. De telles mesures pourraient permettre d'établir des objectifs plus ambitieux pour 2035 dans la prochaine version des CDN et crédibiliser la faisabilité des engagements en faveur de l'objectif de zéro émission nette qui, à l'heure actuelle, couvrent 80 pour cent des émissions mondiales. Cependant, en cas d'échec à faire baisser, d'ici à 2030, les émissions de GES sous les niveaux fixés par les CDN actuelles, il ne sera plus possible de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C, ni même de le dépasser dans des proportions limitées, et il deviendrait particulièrement difficile de contenir la hausse de la température moyenne mondiale sous la barre des 2 °C.
Outre la succession des records de température, le présent rapport souligne que les émissions mondiales de GES et les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) n'ont jamais été aussi élevées qu'en 2022. L'incapacité à réduire drastiquement les émissions dans les pays à revenu élevé et fortement émetteurs (principaux responsables des émissions passées) ainsi qu'à limiter l'augmentation des émissions dans les pays à revenu faible et intermédiaire (responsables de la majorité des émissions actuelles), oblige maintenant l'ensemble des pays à fournir des efforts sans précédent. Les pays à revenu élevé devront ainsi encore accélérer la décroissance de leurs émissions nationales, ainsi que s'engager à atteindre l'objectif de zéro émission nette dès que possible (et plus tôt que ce que ne laissent entrevoir les données moyennes mondiales qui figurent dans le dernier rapport du GIEC). Ils devront dans le même temps soutenir les pays à revenu faible et intermédiaire en mobilisant des financements et en mettant en œuvre des programmes d'assistance technique. Pour ces pays les moins favorisés, la réduction des émissions de GES implique de répondre aux besoins urgents de développement tout en abandonnant progressivement les combustibles fossiles. Le retard pris dans l'application de mesures d'atténuation accroîtra en outre très probablement notre dépendance aux solutions d'élimination du dioxide de carbone atmosphérique (EDC), mais la faisabilité à grande échelle de cette solution ne peut pas être garantie. C'est pourquoi, cette année, le rapport explore plus spécifiquement les opportunités et les défis associés à la transition énergétique ainsi qu'à la conception et au déploiement de technologies d'EDC.
Message clé 1. En 2022, les émissions mondiales ont atteint de nouveaux records, avec 57,4 Gt éq-CO2 rejetées
- Sur la période 2021-2022, les émissions de GES mondiales ont augmenté de 1,2 pour cent et ont culminé à 57,4 gigatonnes d'équivalent CO2 (Gt éq-CO2) (Figure ES.1). À l'exception de celui du transport, tous les secteurs ont enregistré une recrudescence de leurs émissions après la baisse liée à la pandémie de COVID-19, avec des niveaux excédant à présent ceux de 2019. Les émissions de CO2 issues de la combustion d'énergies fossiles et des processus industriels, qui représentent près de deux tiers des émissions de GES actuelles, sont les principales causes de l'augmentation globale.
- De même, les émissions de méthane (CH4), d'oxyde nitreux (N2O) et de gaz fluorés, qui ont des pouvoirs de réchauffement plus élevés et qui sont responsables d'un quart des émissions actuelles de GES, sont en hausse rapide. Ainsi, en 2022, les émissions de gaz fluorés ont augmenté de 5,5 pour cent, celles de CH4 de 1,8 pour cent et celles de N2O de 0,9 pour cent. Selon les premières projections, il semblerait toutefois que les émissions de CO2 imputables à l'utilisation des terres, au changement d'affectation des terres et à la foresterie (UTCATF) soient restées relativement stables en 2022. La contribution de UTCATF à l'émission et à l'absorption de CO2 demeure bien plus incertaine que cette même contribution pour les autres gaz, que l'on envisage cette contribution en valeur absolue ou dans la perspective de son évolution.
- Si les pays du G20 ont enregistré une hausse de 1,2 pour cent de leurs émissions en 2022, les tendances observées varient considérablement entre les différents États membres. La Chine, l'Inde, l'Indonésie et les États-Unis d'Amérique font état d'une augmentation de leurs émissions, tandis que le Brésil, l'Union européenne et la Fédération de Russie indiquent une diminution. Collectivement, les membres du G20 sont responsables de 76 pour cent des émissions mondiales de GES.
Figure ES.1 Total net des émissions de GES d'origine anthropique, 1990-2022
- Malgré une diminution de 3 pour cent de la consommation de gaz due à la crise énergétique et à la guerre en Ukraine, la consommation mondiale d'énergie primaire a augmenté en 2022. Cette augmentation a été possible en renforçant la production à partir du charbon, du pétrole et des ressources renouvelables. De manière générale, la croissance nette de la demande en électricité en 2022 a pu être satisfaite en grande partie par les sources d'énergies renouvelables (à l'exclusion de l'énergie hydraulique), grâce en particulier à l'augmentation record de la capacité des installations de production d'énergie solaire. Les investissements dans l'extraction et l'utilisation de combustibles fossiles se sont néanmoins poursuivis dans la plupart des régions de la planète. Ainsi, au niveau mondial, les gouvernements prévoient toujours de produire, en 2030, plus du double de la quantité de combustibles fossiles qui serait compatible avec l'objectif de limitation de l'augmentation de la température établi dans l'Accord de Paris.
Message clé 2. La répartition des émissions de GES actuelles et passées entre les pays et au sein des pays est particulièrement déséquilibrée, reflétant les schémas d'inégalités mondiaux
- Les émissions territoriales de GES par habitant varient significativement en fonction des pays. Alors qu'elles atteignent plus du double de la moyenne mondiale (qui s'établit à 6,5 t éq-CO2/hab.) dans la Fédération de Russie et aux États-Unis d'Amérique, elles n'en représentent même pas la moitié en Inde. Le Brésil, l'Union européenne et l'Indonésie enregistrent tous trois des niveaux d'émissions par habitant relativement similaires, légèrement inférieurs à la moyenne des pays du G20. Les membres du G20 ont émis en moyenne 7,9 t éq-CO2, contre 2,2 t éq-CO2 pour les pays les moins avancés et 4,2 t éq-CO2 pour les petits États insulaires en développement.
- Les émissions liées à la consommation sont elles aussi très inégalement réparties entre les pays et en leur sein. Ainsi, au niveau mondial, les 10 pour cent de la population ayant le plus haut niveau de revenu, dont deux tiers sont issus de pays développés, sont responsables de près de la moitié (48 pour cent) du total des émissions, contre 12 pour cent pour la moitié la plus pauvre de la population mondiale.
- De la même façon, les émissions et la contribution historiques au réchauffement climatique varient considérablement entre les pays et groupes de pays (figure ES.2.) Alors que près de 80 pour cent du cumul historique des émissions de CO2 issues des combustibles fossiles et de l'UTCATF sont imputables aux pays du G20, et plus particulièrement à la Chine, aux États-Unis d'Amérique et à l'Union européenne, les pays les moins avancés n'y ont, pour leur part, contribué qu'à hauteur de 4 pour cent. Les États-Unis d'Amérique, qui ne représentent que 4 pour cent de la population mondiale actuelle, porteraient à eux seuls la responsabilité de 17 pour cent du réchauffement planétaire entre 1850 et 2021, en tenant compte des effets de leurs émissions de méthane et d'oxyde nitreux. En comparaison, la part de responsabilité de l'Inde serait de 5 pour cent alors que le pays abrite 18 pour cent de la population mondiale.
Figure ES.2 Contributions actuelle et passée aux changements climatiques
Message clé 3. Bien que les CDN aient très peu évolué depuis la COP 27, celles-ci, tout comme les politiques, ont tout de même fait l'objet d'améliorations depuis l'adoption de l'Accord de Paris
- Depuis la COP 27, neuf pays ont soumis de nouvelles CDN ou apporté des modifications à leurs CDN initiales, portant ainsi à 149, au 25 septembre 2023, le nombre de CDN ayant été mises à jour depuis leur soumission dans le cadre de la préparation ou à la suite de l'Accord de Paris (l'Union européenne et ses 27 États membres étant considérés comme une seule Partie). Davantage de CDN intègrent à présent des cibles de réduction des GES qui portent sur l'ensemble des activités économiques des pays et qui ne se limitent plus à certains secteurs.
- Si l'ensemble des CDN non conditionnelles nouvelles ou actualisées sont pleinement mises en œuvre, elles permettront, d'ici à 2030, une réduction annuelle supplémentaire d'environ 5,0 Gt éq-CO2 (plage de variation de 1,8 à 8,2 Gt éq-CO2), par rapport aux CDN initiales. Les neuf CDN soumises depuis la COP 27 devraient contribuer, à elles seules, à réduire les émissions de GES de 0,1 Gt éq-CO2. Ainsi, bien que les CDN n'aient pas évolué significativement depuis la COP 27, des progrès non négligeables sont tout de même à souligner depuis la COP 21 et l'adoption de l'Accord de Paris. Ils restent néanmoins insuffisants pour combler le retard pris dans la réduction des émissions de GES.
- Sur le plan des politiques, les progrès effectués depuis l'Accord de Paris sont un peu plus évidents. En effet, tandis qu'au moment de l'adoption de l'Accord de Paris les politiques en vigueur au niveau mondial laissaient présager une augmentation de 16 pour cent des émissions de GES d'ici à 2030, les prévisions ont été corrigées et la hausse attendue est désormais de 3 pour cent.
- Les avancées politiques ont contribué à réduire l'écart de mise en œuvre, c'est-à-dire la différence entre les émissions prévues en cas de maintien des politiques actuelles et les émissions prévues dans l'hypothèse de la réalisation intégrale des CDN. L'écart mondial de mise en œuvre à l'horizon 2030 est estimé à environ 1,5 Gt éq-CO2 pour les CDN non conditionnelles (contre 3 Gt éq-CO2 l'année dernière) et à 5 Gt éq-CO2 pour les CDN conditionnelles (contre 6 Gt éq-CO2 l'année dernière). L'écart de mise en œuvre dans les pays du G20 a également diminué. Malgré cela, les membres du G20, dans leur ensemble, ne devraient pas être en mesure de respecter leurs CDN nouvelles ou actualisées, un écart de 1,2 Gt éq-CO2 par an étant attendu jusqu'en 2030 (écart néanmoins inférieur de 0,6 Gt éq-CO2 par rapport à l'écart estimé l'année dernière (figure ES.3). L'adoption de nouvelles politiques, combinée à l'évolution des tendances en matière d'émissions et du contexte socio-économique, explique en grande partie la baisse des émissions projetées pour 2030 au niveau mondial et à l'échelle du G20.
Figure ES.3 Écarts de mise en œuvre entre les émissions prévues, d'ici à 2030, au sein du G20 et de chacun de ses membres, en cas de maintien des politiques actuelles et en cas de concrétisation des engagements pris au titre des CDN, par rapport aux émissions de 2015.
Message clé 4. Bien qu'un nombre croissant de pays se soient engagés à parvenir à un niveau d'émission nul, la réalisation effective de cet objectif demeure plus qu'incertaine
- Au 25 septembre 2023, 97 Parties, à l'origine d'environ 81 pour cent des émissions mondiales de GES, avaient pris des engagements en faveur de l'objectif zéro émission nette, que cela soit par le biais de leur législation (27 Parties), d'un document d'orientation tel qu'une CDN ou une stratégie à long terme (54), ou d'une annonce officielle d'un haut responsable gouvernemental (16), contre seulement 88 l'année dernière. Au total, 37 pour cent des émissions de GES mondiales sont ainsi supposées être compensées d'ici à 2050, et 44 pour cent au-delà de 2050.
- Le G20 étant responsable de 76 pour cent des émissions mondiales, la réalisation de l'objectif mondial zéro émission dépendra dans une très large mesure de la capacité du G20 à atteindre cet objectif. Fait encourageant, l'ensemble des membres du G20, à l'exclusion du Mexique, ont établi des cibles en faveur de l'objectif zéro émission nette. L'année dernière, certains États ont en outre pris des mesures pour renforcer et atteindre leurs objectifs. De manière générale, les indicateurs clés de confiance portant sur la mise en œuvre de l'objectif zéro émission nette ont peu évolué parmi les membres du G20. Ce constat se fonde sur les avancées limitées en matière de statut juridique et de développement de plans de mise en œuvre de qualité, ainsi que sur le mauvais alignement des courbes d'évolution des émissions à court terme sur les cibles zéro émission nette. Plus préoccupant encore, aucun des pays membres du G20 ne semble aujourd'hui réduire ses émissions à un rythme suffisamment rapide pour espérer respecter ses engagements et parvenir à un niveau d'émission nul.
Message clé 5. L'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions à l'horizon 2030 reste élevé. Les CDN non conditionnelles actuelles ne permettront pas d'atteindre les objectifs, puisqu'il conviendrait de réduire les émissions d'encore 14 Gt éq-CO2 pour maintenir le réchauffement planétaire sous la barre des 2 °C et de 22 Gt éq-CO2 pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. La mise en œuvre des CDN conditionnelles devrait toutefois aider à réduire ces estimations de 3 Gt éq-CO2
- L'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions correspond à la différence estimée entre les émissions mondiales de GES après mise en œuvre complète des dernières CDN et le niveau d'émissions résultant de l'application des stratégies à moindre coût alignées sur l'objectif de température à long terme de l'Accord de Paris.
- Les stratégies à moindre coût prévoyaient une réduction drastique des émissions à partir de 2020, mais les tendances actuelles contredisent ces prévisions puisque les émissions sont aujourd'hui plus élevées qu'au début de la décennie. La communauté mondiale a effectivement continué à puiser dans le budget carbone restant et le réchauffement climatique devrait être supérieur à celui correspondant à la mise en œuvre de ces stratégies à moindre coût, sauf si la réduction des émissions s'accélère après que le niveau d'émissions correspondant à ces stratégies aura été atteint. L'écart estimé entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions doit en outre être considéré avec prudence et il est probable qu'il soit inférieur à ce qu'il est en réalité puisque calculé sans prendre en compte les émissions excédentaires, depuis 2020, par rapport à celles auxquelles les stratégies à moindre coût devaient conduire.
- L'écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions en 2030 reste globalement inchangé depuis l'évaluation réalisée l'année passée. Dans le cas où l'on choisirait de poursuivre le scénario d'un réchauffement planétaire limité à 2 °C, il existe une probabilité de 66 pour cent qu'un écart de 14 Gt éq-CO2 subsiste (plage de variation de 13 à 16 Gt éq-CO2) après mise en œuvre intégrale des CDN non conditionnelles. La mise en œuvre intégrale des CDN conditionnelles pourrait toutefois permettre de réduire cet écart à 11 Gt éq-CO2 (plage de variation de 9 à 15 Gt éq-CO2) (tableau ES.1 et figure ES.4).
- En poursuivant le scénario d'un réchauffement planétaire limité à 1,5 °C, il existe 50 pour cent de chances qu'un écart de 22 Gt éq-CO2 soit observé en 2030 (plage de variation de 21 à 24 Gt éq-CO2), même après la mise en œuvre intégrale des CDN non conditionnelles. Cet écart pourrait être ramené à 19 Gt éq-CO2 (plage de variation de 17 à 23 Gt éq-CO2) si les CDN conditionnelles étaient elles aussi pleinement mises en œuvre.
Tableau ES.1 Émissions totales de GES à l'échelle mondiale en 2030, 2035 et 2050 et écart estimé en matière de réduction des émissions selon différents scénarios
Scénario |
Émissions de GES (Gt éq-CO2) |
Écart estimé par rapport aux émissions correspondant à la mise en œuvre des stratégies à moindre coût visant à contenir le réchauffement planétaire en deçà de seuils spécifiques (Gt éq-CO2) |
||
Valeur médiane et plage de variation entre les 10e et 90e percentiles |
En deçà de 2 °C |
En deçà de 1,8 °C |
En deçà de 1,5 °C |
|
2030 |
||||
Politiques actuelles |
56 (52–60) |
16 (11–19) |
22 (17–25) |
24 (19–27) |
CDN non conditionnelles |
55 (54–57) |
14 (13–16) |
20 (19–22) |
22 (21–24) |
CDN conditionnelles |
52 (50–55) |
11 (9–15) |
17 (15–20) |
19 (17–23) |
2035 |
||||
Maintien des politiques actuelles |
56 (45–64) |
20 (9–28) |
29 (18–37) |
31 (20–39) |
CDN non conditionnelles actuelles |
54 (47–60) |
18 (11–25) |
27 (20–34) |
29 (22–36) |
CDN conditionnelles actuelles |
51 (43–58) |
15 (8–22) |
24 (17–31) |
26 (19–33) |
2050 |
||||
Maintien des politiques actuelles |
55 (24–72) |
35 (4–52) |
43 (12–60) |
46 (16–63) |
CDN non conditionnelles + engagements zéro émission nette établis sur la base de critères rigoureux |
44 (26–58) |
24 (6–38) |
32 (14–46) |
36 (18–49) |
CDN conditionnelles + ensemble des engagements zéro émission nette |
21 (6–33) |
1 (-14-13) |
9 (-6-21) |
12 (-2-25) |
Figure ES.4. Émissions mondiales de GES selon différents scénarios et écart entre les besoins et les perspectives en matière de réduction des émissions en 2030 et 2035 (estimation médiane et plage de variation entre les 10e et 90e percentiles)
- Si elles sont pleinement mises en œuvre, les CDN non conditionnelles et conditionnelles à l'horizon 2030 devraient respectivement permettre de réduire les émissions mondiales de 2 pour cent et 9 pour cent par rapport aux prévisions des émissions correspondant aux politiques actuellement en vigueur. On estime également que si les stratégies à moindre coût permettant de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C ou à 2 °C avaient été appliquées, les émissions mondiales de GES seraient aujourd'hui 42 pour cent et 28 pour cent plus basses. Inférieurs de 2 points de pourcentage à ceux estimés en 2022, ces écarts illustrent les efforts réalisés pour aligner les politiques en vigueur sur les engagements des CDN.
- Sans même tenir compte des émissions excédentaires depuis 2020, des efforts d'atténuation doivent être immédiatement engagés et soutenus sans relâche jusqu'en 2030 pour réduire cet écart, et ces efforts devront être d'un niveau inégalé si l'objectif est de le combler.
Message clé 6. Les actions menées au cours de cette décennie détermineront quelles devront être les ambitions de la prochaine version des CDN dans la perspective de 2035 et conditionneront la faisabilité de l'objectif de stabilisation de la température à long terme établi dans l'Accord de Paris
- Le premier bilan mondial depuis l'adoption de l'Accord de Paris permettra d'informer la prochaine version des CDN, prévue en 2025, qui inclura les objectifs à l'horizon 2035. De manière générale, les gouvernements devront se montrer suffisamment ambitieux pour ramener en 2035 les émissions mondiales de GES à des niveaux compatibles avec la limitation du réchauffement planétaire à 2 °C (émissions de 36 Gt éq-CO2 avec une plage de variation de 31 à 39 Gt éq-CO2 - voir tableau ES.2) ou 1,5 °C (émissions de 25 Gt éq-CO2 avec une plage de variation de 20 à 27 Gt éq-CO2), et pour compenser les émissions excédentaires jusqu'à ce que les émissions correspondant à l'objectif de réchauffement soient atteintes.
- En revanche, la poursuite des politiques et scénarios de CDN actuels ne ferait qu'aggraver l'écart de réduction des émissions et le rendrait vraisemblablement impossible à rattraper en 2035 (tableau ES.1). Le maintien des politiques actuellement en vigueur porterait les émissions mondiales de GES à 56 Gt éq-CO2 en 2035 (tableau ES.1), soit une quantité respectivement 55 pour cent et 36 pour cent plus élevée que les émissions correspondant aux scénarios de limitation du réchauffement à 1,5 °C et 2°C (tableau ES.2). Ces différences sont calculées sans tenir compte de la compensation des émissions excédentaires.
- Ces conclusions soulignent clairement la nécessité de déployer sans attendre et tout au long de cette décennie des efforts d'atténuation sans précédent. Faire mieux que se conformer aux objectifs fixés pour 2030 dans les CDN actuelles inciterait les pays à développer la prochaine version de ces plans d'action sur la base d'objectifs d'atténuation plus ambitieux à l'horizon 2035, et favoriserait la réalisation de ces plus grandes ambitions.
- Les projections pour le milieu du siècle (tableau ES.1) corroborent ces conclusions et mettent en évidence l'importance de renforcer la crédibilité et la faisabilité des engagements pris au titre de l'objectif zéro émission nette. La diminution d'ici à 2050 des émissions mondiales de GES à des niveaux se rapprochant de ceux des scénarios de limitation du réchauffement à 1,5 °C ou 2 °C impose de mettre intégralement en œuvre toutes les CDN conditionnelles et de tenir tous les engagements en faveur de l'objectif zéro émission nette.
Tableau ES.2 Émissions mondiales de GES en 2030, 2035 et 2050 et caractéristiques du réchauffement planétaire dans l'hypothèse de mise en œuvre, dès 2020, des stratégies de moindre coût compatibles avec le maintien du réchauffement planétaire en deçà de limites spécifiques de température
Stratégies à moindre coût visant à contenir le réchauffement planétaire en deçà de seuils spécifiques |
Nombre de scénarios |
Émissions totales de GES à l'échelle mondiale (Gt éq-CO2) |
Températures estimées |
|||||
En 2030 |
En 2035 |
En 2050 |
50 % de probabilité |
66 % de probabilité |
90 % de probabilité |
Catégorie de scénario |
||
En deçà de 2 °C (probabilité de 66% que cette limite ne soit pas dépassée jusqu'à la fin du siècle) |
195 |
la plus proche décrite par le Groupe de travail III dans le Sixième rapport de synthèse du GIEC |
36 (31-39) |
20 (16-24) |
Réchauffement maximal : 1,7-1,8 °C En 2100 :1,4-1,7 °C. |
Réchauffement maximal : 1,8-1,9 °C En 2100 :1,6-1,9 °C |
Réchauffement maximal : 2,2-2,4 °C En 2100 :2-2,4 °C |
C3a |
En deçà de 1,8 °C (probabilité de 66% que cette limite ne soit pas dépassée jusqu'à la fin du siècle) |
139 |
35 (28-41) |
27 (21-31) |
12 (8-16) |
Réchauffement maximal : 1,5-1,7 °C En 2100 :1,3-1,6 °C |
Réchauffement maximal : 1,6-1,8 °C En 2100 :1,4-1,7 °C |
Réchauffement maximal : 1,9-2,2 °C En 2100 :1,8-2,2 °C |
Sans objet |
En deçà de 1,5 °C (probabilité de 50% que cette limite ne soit pas dépassée en 2100 et de 33 % qu'elle ne soit pas dépassée au cours du siècle) |
50 |
33 (26-34) |
25 (20-27) |
8 (5-13) |
Réchauffement maximal : 1,5-1,6 °C En 2100 :1,1-1,3 °C |
Réchauffement maximal : 1,6-1,7 °C En 2100 :1,2-1,5 °C |
Réchauffement maximal : 1,9-2,1 °C En 2100 :1,6-1,9 °C |
C1a |
Message clé 7. Dans le cas où les États ne feraient pas évoluer leurs politiques, on estime qu'il ne serait pas possible de limiter le réchauffement planétaire à moins de 3 °C. La réalisation, d'ici à 2030, de tous les engagements pris au titre des CDN conditionnelles et inconditionnelles permettrait de limiter le réchauffement à 2,5 °C, et à 2 °C si elle s'accompagne de la réalisation de tous les engagements en faveur de l'objectif zéro émission nette.
- On estime que la poursuite des efforts d'atténuation des changements climatiques tels que définis par les politiques actuelles permettrait, jusqu'à la fin du siècle et avec une probabilité de 66 pour cent, de limiter le réchauffement à 3 °C (plage de variation de 1,9 à 3,8 °C). En outre, les projections montrent que la hausse des températures devrait se poursuivre après 2100, puisque, d'après les projections, les émissions de CO2 ne seront pas encore intégralement compensées.
- Cette hausse de la température serait de 2,9°C (plage de variation de 2 à 3,7 °C) si les actions définies par les CDN inconditionnelles actuelles sont mises en place et maintenues, et à 2,5 °C (plage de variation de 1,9 à 3,6 °C), ce qui représente un gain de 0.4°C, si les objectifs des CDN conditionnelles sont également atteints.
- Dans le scénario le plus optimiste correspondant à la réalisation de toutes les CDN conditionnelles et de tous les engagements zéro émission nette, et notamment ceux qui ont été pris dans le cadre des stratégies à long terme de développement à faibles émissions, on estime à 66 pour cent la probabilité de pouvoir limiter le réchauffement à 2 °C (plage de variation de 1,8 à 2,5 °C) jusqu'à la fin du siècle. Cependant, comme signalé plus haut, la réalisation des objectifs zéro émission nette est très incertaine.
- Même dans les hypothèses les plus favorables envisagées dans ce rapport, la probabilité de limiter la hausse de la température mondiale à 1,5° C est de seulement 14 pour cent, et il existe de nombreux scénarios dans lesquels le réchauffement devrait excéder 2 °C, voire 3 °C. Il apparaît donc indispensable, d'ici à 2030, de réduire les émissions mondiales dans des proportions supérieures à celles qui correspondent aux CDN actuelles, d'étendre à l'ensemble des émissions de GES la couverture des engagements zéro émission nette, et de tenir ces engagements.
- Les projections de température médiane présentées dans ce document sont légèrement supérieures à celles mentionnées dans la version 2022 de ce rapport, car l'estimation des émissions futures est basée sur un plus grand nombre de modèles. Ces projections restent toutefois cohérentes avec celles d'autres évaluations qui font autorité, telles que le scénario « Nouveaux engagements annoncés », publié par l'Agence internationale de l'énergie en 2023, le Climate Action Tracker, ainsi que le Rapport de synthèse 2023 sur les CDN de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. Il faut signaler néanmoins que les températures de référence données dans ces autres rapports correspondent à une probabilité de 50 pour cent (et non de 66 pour cent).
Message clé 8. L'échec à réduire drastiquement les émissions dans les pays à revenu élevé et à limiter l'augmentation des émissions dans les pays à revenu faible et intermédiaire oblige maintenant l'ensemble des gouvernements à fournir des efforts exceptionnels en vue d'accélérer la transition vers une économie à faibles émissions de carbone et de stabiliser la température à long terme, conformément à l'objectif de l'Accord de Paris.
- Parvenir à un changement transformateur exige une coopération mondiale sans précédent, alignée sur le principe de responsabilités communes mais différenciées mis en avant dans l'Accord de Paris, et tenant compte des capacités propres à chaque pays en fonction du contexte national. Ce principe suppose que les pays ayant le plus de moyens et étant responsables de la plus grande partie des émissions historiques, en particulier les pays à revenu élevé et les pays du G20 fortement émetteurs, engagent des actions immédiates et ambitieuses qui ouvriront la voie aux autres États et démontreront la viabilité des stratégies de développement non dépendantes des combustibles fossiles. Ce travail sera néanmoins loin d'être suffisant, étant donné que les pays à revenu faible et intermédiaire sont à l'heure actuelle responsables de plus des deux tiers des émissions mondiales de GES. C'est pourquoi, le Pacte de solidarité climatique proposé par le Secrétaire général des Nations Unies exhorte les principaux émetteurs à déployer des efforts supplémentaires en vue de réduire leurs émissions, et les pays les plus riches à soutenir, par des programmes d'assistance technique et des financements, les pays à revenu faible et intermédiaire, les actions à mettre en œuvre par ces pays devant être planifiées en fonction du contexte.
- Le secteur de l'énergie, à l'origine de 86 pour cent des émissions mondiales de CO2, est actuellement la principale source de GES. Le charbon, le pétrole et le gaz extraits tout au long de la durée de vie des mines et champs pétrolifères actifs et en construction en 2018 équivalent à plus de 3,5 fois le budget carbone pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C et sont de l'ordre du total du budget carbone pour un objectif de réchauffement limité à 2 °C. La probabilité que ces estimations correspondent à la réalité est respectivement de 50 pour cent et de 67 pour cent (figure ES.5). La transformation mondiale des systèmes énergétiques constitue donc un impératif, y compris dans les pays à revenu faible et intermédiaire, lesquels devront s'efforcer de répondre à des besoins de développement urgents tout en abandonnant progressivement les combustibles fossiles.
Figure ES.5 Comparaison des émissions de CO2 par les infrastructures de combustibles fossiles existantes et des budgets carbone correspondant aux objectifs à long terme de température de l'Accord de Paris
Message clé 9. La transition vers des énergies faiblement émettrices expose les pays à revenu faible et intermédiaire à des défis économiques et institutionnels majeurs, mais ces difficultés s'accompagnent de certaines opportunités
- Le développement est l'objectif fondamental des pays à revenu faible et intermédiaire, et la transition énergétique est indissociable de cet objectif. Les gouvernements de ces pays font face à un certain nombre de défis communs, qui incluent celui de faire sortir leur population de la pauvreté, celui de développer leurs industries stratégiques, celui d'urbaniser leur territoire et celui de gérer les enjeux politiques liés à l'abandon des combustibles fossiles. Satisfaire les besoins essentiels en énergie des populations les plus pauvres a un impact limité sur les émissions mondiales de GES, mais il faut garder à l'esprit que 2,4 milliards de personnes sont aujourd'hui privées de solutions de cuisson propres et que 775 millions de personnes n'ont pas accès à l'électricité (ces populations défavorisées étant constituées de façon disproportionnée de femmes et d'enfants). Il faut donc s'attendre à ce que le développement se traduise par un accroissement sensible de la demande en énergie, augmentation à laquelle il devrait toutefois être possible de faire face efficacement et équitablement en tirant parti de la diminution du prix des énergies renouvelables, faiblement émettrices en carbone.
- Les trajectoires de transition dépendront des ressources naturelles dont disposent les pays et de leurs conditions économiques. Les capacités et les institutions des pays à revenu faible et intermédiaire sont souvent limitées et ces pays pourraient être confrontés à des difficultés politiques et économiques supplémentaires et différentes par rapport à celles des pays à revenu élevé, notamment pour établir le rythme de transition souhaitable.
- Les pays à revenu faible et intermédiaire doivent absolument pouvoir compter sur des solutions de financement abordables. Généralement fortement endettés, ils bénéficient d'investissements dans le domaine des énergies propres qui ne sont pas, tant s'en faut, à la mesure de leurs besoins et sont plus exposés à la volatilité des marchés de combustibles fossiles, aussi bien en tant qu'exportateurs qu'importateurs. Ils sont en outre susceptibles de voir décliner, à l'avenir, la valeur de leurs actifs liés aux ressources fossiles. Les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure sont généralement à un stade plus avancé de leur transition énergétique, mais sont eux aussi concernés par l'échouage de leurs actifs, avec toutes les répercussions que cela implique au niveau de l'emploi et du contexte macroéconomique.
- L'accès à des financements abordables est donc un prérequis pour motiver les pays à revenu faible et intermédiaire à se fixer des objectifs d'atténuation plus ambitieux. On observe pourtant que, dans ces pays, le coût du capital est jusqu'à sept fois plus élevé qu'aux États-Unis d'Amérique et qu'en Europe (figure ES.6). Par conséquent, l'aide financière internationale devra être significativement plus élevée qu'elle ne l'est actuellement, et les nouvelles sources de capitaux publics et privés devront profiter davantage aux pays
Message clé 10. Tout délai supplémentaire dans la réduction des émissions mondiales de GES accroîtra la dépendance aux solutions d'EDC pour atteindre l'objectif de température à long terme prévu par l'Accord de Paris
- Les émissions de GES doivent être réduites drastiquement et urgemment pour espérer combler l'écart entre les besoins et les perspectives, et ainsi préserver la possibilité d'atteindre l'objectif de température à long terme établi dans l'Accord de Paris. La pertinence des stratégies à moindre coût amorcées en 2020 et compatibles avec la réalisation de cet objectif est conditionnée à la diminution radicale et immédiate des émissions ainsi qu'au déploiement progressif concomitant de technologies d'EDC (figure ES.7). L'incapacité de la communauté mondiale à mettre en œuvre des actions d'atténuation efficace risque toutefois d'accroître fortement la dépendance à ces technologies sur le long terme.
- L'EDC est indispensable pour atteindre l'objectif à long terme de l'Accord de Paris, de même que réaliser l'objectif zéro émission nette de CO2 est nécessaire pour assurer la stabilisation du réchauffement mondial. L'objectif zéro émission nette des GES, s'il est tenu, conduira quant à lui à l'inversion du processus après un pic. Étant donné qu'il est impossible de supprimer totalement les émissions de CO2 et des autres GES uniquement par la mise en place de mesures de réduction efficaces, les objectifs zéro émission nette ne sont concevables que si les émissions résiduelles sont éliminées de l'atmosphère par des solutions d'EDC.
- Certaines solutions d'EDC, principalement basées sur la gestion des terres, sont déjà mises en œuvre à l'heure actuelle, telles que le boisement, le reboisement et la gestion améliorée des forêts existantes. Ces méthodes sont largement utilisées par les pays en développement. À ce jour, on estime que les méthodes d'élimination basées sur la gestion des terres permettraient de compenser 2,0 (±0,9) Gt CO2 chaque année, en ayant recours presque exclusivement aux méthodes basées sur la gestion des terres. Les méthodes d'élimination directe plus innovantes telles que la production de bioénergie avec captage et stockage de dioxide carbone, le biochar, les technologies de captage et stockage du dioxyde de carbone dans l'air ou les mesures d'intensification de la dégradation naturelle n'ont pour l'instant qu'un impact insignifiant puisqu'elles ne permettent d'absorber que 0,002 Gt CO2 par an.
- Les stratégies à moindre coût compatibles avec la limitation du réchauffement à 1,5 °C ou à 2 °C sont néanmoins fondées sur l'hypothèse que les méthodes d'EDC conventionnelles et de dernière génération seront de plus en plus utilisées (figure ES.7). On estime ainsi que les techniques conventionnelles et innovantes devraient respectivement permettre de réduire les émissions de 6 Gt CO2 et de 4 Gt CO2 par an d'ici à 2050. Les méthodes d'EDC basées sur la gestion des terres influeront majoritairement sur la diminution des émissions à court et moyen terme, tandis que l'impact des technologies plus modernes sera perceptible plus tard au cours des prochaines décennies et contribuera à la réalisation de l'objectif d'émissions nettes négatives. Le rôle joué par les différentes technologies d'EDC dépendra toutefois de la fiabilité des hypothèses économiques et technologiques sous-jacentes ainsi que du niveau de la baisse de température consécutive à l'atteinte de l'objectif zéro émission nette de CO2.
Figure ES.7 Rôle des mesures de réduction des émissions et des solutions d'EDC dans la réalisation des stratégies à moindre coût compatibles avec l'objectif de température à long terme de l'Accord de Paris
- La réduction des émissions par le biais des EDC que les stratégies à moindre coût estiment de l'ordre de plusieurs gigatonnes au cours des prochaines décennies dans la perspective d'atteindre l'objectif de l'Accord de Paris est hautement incertaine et n'est pas exempte de risques. En raison des problématiques liées à la concurrence pour la terre, ainsi qu'à la protection du régime et des droits fonciers des populations indigènes et des communautés traditionnelles, la dépendance accrue aux méthodes d'EDC conventionnelles basées sur la gestion des terres peut-être particulièrement hasardeuse, d'autant que ces techniques sont tributaires de la durabilité, de la biodiversité et de la permanence des écosystèmes, qui peuvent être menacées par des feux de forêt et autres causes de dégradation. Les nouvelles technologies d'EDC, pour leur part, ne sont encore souvent qu'à un stade précoce de développement et leur utilisation pourrait être compromise dans l'éventualité où les conditions économiques, techniques et politiques nécessaires à leur déploiement à grande échelle ne seraient pas réunies à temps. Par ailleurs, il n'est pas garanti que des solutions telles que le captage et le stockage du carbone, ou l'exploitation du potentiel des océans, soient bien accueillies par les populations. Tous ces risques sont susceptibles d'entraver la mise en œuvre à grande échelle de ces techniques.
- Afin d'encourager l'innovation et de favoriser le développement à grande échelle des technologies d'EDC, il sera essentiel, dans un premier temps, d'initier des programmes de formation, ce qui nécessitera un fort appui politique et financier. Étant donné le temps requis pour développer des technologies matures, la prochaine décennie sera déterminante pour les nouvelles méthodes d'EDC. L'incapacité, lors de la phase de formation, à créer une dynamique propice à l'adoption de ces solutions, engendrerait un écart entre les besoins en nouvelles technologies d'EDC et la disponibilité effective de ces technologies d'ici à 2050 et au-delà.
- C'est pourquoi il est crucial d'instaurer un cadre politique favorable à leur déploiement, en agissant sur quatre axes essentiels :
- La définition de priorités en matière d'EDC et la communication sur ces priorités ;
- La conception de systèmes de mesure, de collecte de données et de vérification fiables, rendant ces technologies plus crédibles ;
- L'exploitation des synergies et des co-bénéfices avec les autres domaines d'intervention ;
- L'accélération de l'innovation.